Poésie Jean Moréas

Les Syrtes

Des lèvres de bacchide et des yeux de madone, Des sourcils bifurqués où le diable a son pleige ; Ses cheveux vaporeux que le peigne abandonne Sont couronnés de fleurs plus froides que la neige.

Parc ducal. Le ciel fige en du smalt les branches. Dans les nids, gazouillis d' oisels et d' oiselles. Seigneurs très chamarrés, gentes damoiselles. Des fleurs rouges, des fleurs jaunes, des fleurs blanches.

D' où vient cette aubade câline Chantée-on eût dit-en bateau, Où se mêle un pizzicato De guitare et de mandoline ? Pourquoi cette chaleur de plomb Où passent des senteurs d' orange,

Là-bas, où, sous les ciels attiques, Les crépuscules radieux Teignent d' améthyste les dieux Sculptés aux frises des portiques ;

Dans l' âtre brûlent les tisons, Les tisons noirs aux flammes roses ; Dehors hurlent les vents moroses, Les vents des vilaines saisons.

Les cantilènes Livre 4

La mort chevauche dans la nuit, à travers la plaine.
Le vent de la nuit à travers la plaine halène ;
Le vent halène dans les ajoncs et sur les prêles.
La mort monte un hongre pie et borgne aux jambes grêles.
Et les trépassés sont pendus par la chevelure,
Sont pendus par les pieds, à la queue, à l’ encolure,

L’encolure du hongre borgne qui caracole.
La mort chevauche à travers la nuit, comme une folle.
Les vieillards disent : bonne mort, cesse un peu ta course
Nous boirons, dans le creux de nos mains, à cette source.
Et nous-disent les beaux garçons et les belles filles
Pour faire des bouquets nous cueillerons des jonquilles.

 

Les cantilènes Livre 4

Jean Moréas

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