Poésie Jean Moréas

Assez de chrysolithe terne : Que l' on me montre la caverne Des kohinors-soleils, Et des saphirs plus bleus que l' onde, Et des clairs rubis de Golconde Au sang des dieux pareils

Assez d' abstinences moroses : De Schiraz effeuillons les roses Au bord du lac sacré, Et que pour moi l' amour ruisselle De sa lèvre d' alme pucelle, Plus doux qu' un vin sucré.

N' écoute plus l' archet plaintif qui se lamente Comme un ramier mourant le long des boulingrins ; Ne tente plus l' essor des rêves pérégrins Traînant des ailes d' or dans l' argile infamante. Viens par ici : voici les féeriques décors, Dans du Sèvres les mets exquis dont tu te sèvres,

Tu me lias de tes mains blanches, Tu me lias de tes mains fines, Avec des chaînes de pervenches Et des cordes de capucines.

N' écoute plus l' archet plaintif qui se lamente Comme un ramier mourant le long des boulingrins Ne tente plus l' essor des rêves pérégrins Traînant des ailes d' or dans l' argile infamante.

Mystiques sont, là-bas, les clairs de lune bleus : O votre front poli nimbé de clair de lune ! Berceuse est la chanson des archipels houleux : O vos cheveux errants aux brises de la dune !

En ces âges maudits insultant aux chimères, Pareils aux hurlements impurs des filles soûles, Jusqu' à vos pieds d' argile, ô gloires éphémères, Montent les hosannas sacrilèges des foules.

Sur la nappe ouvragée où le festin s' exalte, La venaison royale alterne aux fruits des îles ; Dans les chypres et les muscats de Rivesalte, Endormeur des soucis, ô Léthé, tu t' exiles.

Seins des femmes ! ô seins de lis ! ô seins de nacre ! Vos rythmes indolents dorlotent nos blessures. Leurs lèvres ! Vous gardez, en vos calices l' âcre Saveur des bigarreaux et des grenades sures.

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