Sœur, au son de ta chanson nocturne :
Un lys noir a fleuri dans l’urne,
Le roi de ce pays est mort.
De lointains luths scandent tes paroles
Que je ne comprends plus, ô ma sœur.
Semez, mes mains, avec douceur
Des étoiles et des corolles.
Oh ! du silence pour écouter
Ce que soufflent les anges funèbres :
Drapeaux du roi dans les ténèbres,
L’heure des fous vient de tinter.
Des vols d’aigles tonnent sur ma tète
Dont s’ensanglantèrent les regards :
O mort, ouvre es yeux hagards,
Dans la tempête, à la conquête.
Mes rêves noirs ont pris leur essor
Vers une ville à la tour penchée :
Voici passer la chevauchée
Des princes sous la lune d’or.
Oh ! des baisers, ma sœur, sur mes lèvres,
Et tes mains sur mes yeux, ou je meurs :
Tôt hurleront toutes les peurs
Dans le rouge palais des fièvres.
Plus de lune ! mon âme s’endort,
Tant folle, à cette heure taciturne :
Un lys noir a fleuri dans l’urne,
Le roi de ce pays est mort.
Petits poèmes d’automne
Stuart Merrill