Mazet de Lamporechio

Dans  Contes Libertins 2nd partie
4.6/5 - (9 votes)
Le voile n’est le rempart le plus sûr
Contre l’Amour, ni le moins accessible .
Un bon mari, mieux que grille ni mur,
Y pourvoira, si pourvoir est possible.
C’est à mon sens une erreur trop visible
A des parents, pour ne dire autrement,

De présumer, après qu’une personne,
Bon gré, mal gré, s’est mise en un couvent,
Que Dieu prendra ce qu’ainsi l’on lui donne.
Abus, abus; je tiens que le Malin
N’a revenu plus clair et plus certain
(Sauf toutefois l’assistance divine.)
Encore un coup ne faut qu’on s’imagine
Que d’être pure et nette de pêché
Soit privilège à la guimpe attaché.
Nenni da, non; je prétends qu’au contraire,
Filles du monde ont toujours plus de peur,
Que l’on ne donne atteinte à leur honneur;
La raison est qu’elles en ont affaire.
Moins d’ennemis attaquent leur pudeur.
Les autres n’ont pour un seul adversaire.
Tentatlon, fille d’oisiveté,
Ne manque pas d’agir de son côté:
Puis le désir, enfant de la contrainte.
Ma fille est nonne, Ergo, c’est une sainte,
Mal raisonner. Des quatre parts les trois
En ont regret et se mordent les doigts;
Font souvent pis; au moins l’ai-je ouï dire;
Car pour ce point je parle sans savoir.
Boccace en fait certain conte pour rire,
Que j’ai rimé comme vous allez voir.
Un bon vieillard en un couvent de filles
Autrefois fut, labourait le jardin.
Elles étaient toutes assez gentilles,
Et volontiers jasaient dès le matin.
Tant ne songeaient au service divin,
Qu’à soi montrer ès parloirs aguimpées,
Bien blanchement, comme droites poupées,
Prête chacune à tenir coup aux gens;
Et n’était bruit qu’il se trouvât léans
Fille qui n’eût de quoi rendre le change,
Se renvoyant l’une à l’autre l’éteuf.
Huit soeurs étaient, et l’abbesse sont neuf,
Si mal d’accord que c’était chose étrange.
De la beauté la plupart en avaient;
De la jeunesse elles en avaient toutes.
En cettui lieu beaux pères fréquentaient,
Comme on peut croire; et tant bien supputaient
Qu’il ne manquait à tomber sur leurs routes.
Le bon vieillard jardinier dessus dit,
Près de ces soeurs perdait presque l’esprit;
A leur caprice il ne pouvait suffire.
Toutes voulaient au vieillard commander;
Dont ne pouvant entre elles s’accorder,
Il souffrait plus que l’on ne saurait dire.
Force lui fut de quitter la maison.
Il en sortit de la même facon
Qu’était entré là dedans le pauvre homme,
Sans croix ne pile, et n’ayant rien en somme
Qu’un vieil habit. Certain jeune garcon
De Lamporech, si j’ai bonne mémoire,
Dit au vieillard un beau jour après boire,
Et raisonnant sur le fait des nonnains:
Qu’il passerait bien volontiers sa vie
Près de ces soeurs; et qu’il avait envie
De leur offrir son travail et ses mains:
Sans demander récompense ni gages.
Le compagnon ne visait à l’argent:
Trop bien croyait, ces soeurs étant peu sages,
Qu’il en pourrait croquer une en passant,
Et puis une autre, et puis toute la troupe.
Nuto lui dit (c’est le nom du vieillard):
Crois-moi, Mazet, mets-toi quelque autre part.
J’aimerais mieux être sans pain ni soupe
Que d’employer en ce lieu mon travail.
Les nonnes sont un étrange bétail.
Qui n’a tâté de cette marchandise
Ne sait encor ce que c’est que tourment.
Je te le dis, laisse la ce couvent;
Car d’espérer les servir à leur guise
C’est un abus; l’une voudra du mou
L’autre du dur; par quoi je te tiens fou


Pages: 1 2


Réalisation : www.redigeons.com - https://www.webmarketing-seo.fr/