Le Calendrier des Vieillards

Dans  Contes Libertins 2nd partie
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Plus d’une fois je me suis étonné
Que ce qui fait la paix du mariage
En est le point le moins considéré,
Lorsque l’on met une fille en ménage.
Les père et mère ont pour objet le bien;
Tout le surplus, ils le comptent pour rien,
Jeunes tendrons à vieillards apparient.Et cependant je vois qu’ils se soucient
D’avoir chevaux à leur char attelés
De même taille, et mêmes chiens couplés:
Ainsi des boeufs, qui de force pareille
Sont toujours pris: car ce serait merveille
Si sans cela la charrue allait bien.
Comment pourrait celle du mariage
Ne mal aller, étant un attelage
Qui bien souvent ne se rapporte en rien ?
J’en vas conter un exemple notable.
On sait qui fut Richard de Quinzica,
Qui mainte fête à sa femme allégua,
Mainte vigile, et maint jour fériable,
Et du devoir crut s’échapper par là.
Très lourdement il errait en cela.
Cestui Richard était juge dans Pise,
Homme savant en l’étude des lois,
Riche d’ailleurs; mais dont la barbe grise
Montrait assez qu’il devait faire choix
De quelque femme à peu près de même age;
Ce qu’il ne fit, prenant en mariage
La mieux séante, et la plus jeune d’ans
De la cité, fille bien alliée,
Belle surtout; c’était Bartholomée
De Galandi, qui parmi ses parents
Pouvait compter les plus gros de la ville.
En ce ne fit Richard tour d’homme habile
: Et l’on disait communément de lui,
Que ses enfants ne manqueraient de pères.
Tel fait métier de conseiller autrui,
Qui ne voit goutte en ses propres affaires.
Quinzica donc n’ayant de quoi servir
Un tel oiseau qu’était Bartholomée,
Pour s’excuser, et pour la contenir,
Ne rencontrait point de jour en l’année,
Selon son compte, et son calendrier,
Ou l’on se pût sans scrupule appliquer
Au fait d’hymen; chose aux vieillards commode;
Mais dont le sexe abhorre la méthode.
Quand je dis point, je veux dire très peu:
Encor ce peu lui donnait de la peine.
Toute en féries il mettait la semaine;
Et bien souvent faisait venir en jeu
Saint qui ne fut jamais dans la légende.
Le vendredi, disait-il, nous demande
D’autres pensers, ainsi que chacun sait:
Pareillement il faut que l’on retranche
Le samedi, non sans juste sujet,
D’autant que c’est la veille du dimanche.
Pour ce dernier, c’est un jour de repos.
Quant au lundi, je ne trouve à propos
De commencer par ce point la semaine;
Ce n’est le fait d’une âme bien chrétienne.
Les autres jours autrement s’excusait:
Et quand venait aux fêtes solennelles,
C’était alors que Richard triomphait,
Et qu’il donnait les leçons les plus belles
Longtemps devant toujours il s’abstenait
Longtemps après il en usait de même;
Aux Quatre-Temps autant il en faisait;
Sans oublier l’Avent ni le Carême.
Cette saison pour le vieillard était
Un temps de Dieu, jamais ne s’en lassait.
De patrons même il avait une liste.
Point de quartier pour un évangéliste,
Pour un apôtre, ou bien pour un docteur
Vierge n’était, martyr, et confesseur ;
Qu’il ne chommât; tous les savait par coeur
Que s’il était au bout de son scrupule,
Il alléguait les jours malencontreux;
Puis les brouillards, et puis la canicule,
De s’excuser n’étant jamais honteux.
La chose ainsi presque toujours égale,
Quatre fois l’an, de grâce spéciale,
Notre docteur régalait sa moitié,
Petitement; enfin c’était pitié.
A cela près, il traitait bien sa femme.
Les affiquets, les habits à changer,
Joyaux, bijoux, ne manquaient à la dame;
Mais tout cela n’est que pour amuser
Un peu de temps des esprits de poupée;
Droit au solide allait Bartholomée.
Son seul plaisir dans la belle saison,
C’était d’aller à certaine maison
Que son mari possédait sur la côte:
Ils y couchaient tous les huit jours sans faute.
Là quelquefois sur la mer ils montaient,


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