C’est Catin qu’on me nomme.
Je vends, je donne et bois gaîment
Mon vin et mon rogome.
J’ai le pied leste et l’oeil mutin,
Tintin, tintin, tintin, r’lin tintin ;
J’ai le pied leste et l’oeil mutin :
Soldats, voilà Catin !
Je fus chère à tous nos héros ;
Hélas ! combien j’en pleure !
Aussi soldats et généraux
Me comblaient, à toute heure,
D’amour, de gloire et de butin,
Tintin, tintin, tintin, r’lin tintin ;
D’amour, de gloire et de butin :
Soldats, voilà Catin !
J’ai pris part à tous vos exploits
En vous versant à boire.
Songez combien j’ai fait de fois
Rafraichir la Victoire.
Ca grossissait son bulletin,
Tintin, tintin, tintin, r’lin tintin ;
Ca grossissait son bulletin :
Soldats, voilà Catin !
Depuis les Alpes je vous sers ;
Je me mis jeune en route.
A quatorze ans, dans les déserts,
Je vous portais la goutte ;
Puis j’entrai dans Vienne un matin,
Tintin, tintin, tintin, r’lin tintin ;
Puis j’entrai dans Vienne un matin :
Soldats, voilà Catin !
De mon commerce et des amours
Cétait le temps prospère.
A Rome je passai huit jours,
Et de notre saint-père
Je débauchai le sacristain,
Tintin, tintin, tintin, r’lin tintin ;
Je débauchai le sacristain :
Soldats, voilà Catin !
J’ai fait plus que maint duc et pair
Pour mon pays que j’aime :
A Madrid, si j’ai vendu cher,
Et cher à Moscou même,
J’ai donné gratis à Pantin,
J’ai donné gratis à Pantin :
Soldats, voilà Catin !
Quand au nombre il fallut céder
La victoire infidèle,
Que n’avais-je pour vous guider
Ce qu’avait la Pucelle !
L’Anglais aurait fui sans butin,
Tintin, tintin, tintin, r’lin tintin ;
L’Anglais aurait fui sans butin :
Soldats, voilà Catin !
Si je vois de nos vieux guerriers
Pâlis par la souffrance,
Qui n’ont plus, malgré leurs lauriers,
De quoi boire à la France,
Je refleuris encor leur teint,
Tintin, tintin, tintin, r’lin tintin ;
Je refleuris encor leur teint :
Soldats, voilà Catin !
Mais nos ennemis, gorgés d’or,
Pairont encore à boire.
Oui, pour vous doit briller encor
Le Jour de la victoire.
J’en serai le réveil-matin,
Tintin, tintin, tintin, r’lin tintin ;
J’en serai le réveil-matin :
Soldats, voilà Catin !
Chansons
Pierre Jean de Béranger