Disais-tu, bien-aimée, ce soir rouge d’automne
Où dans leur cage d’osier les tourterelles monotones
Râlaient, palpitant en soudaine pâmoison.
L’Amour entrera toujours comme un ami dans notre maison,
T’ai-je répondu, écoutant le bruit des feuilles qui tombent,
Par-delà le jardin des chrysanthèmes, sur les tombes
Que la forêt étreint de ses jaunes frondaisons.
Et voici, l’Amour est venu frapper à la porte de notre maison,
Nu comme la Pureté, doux comme la Sainteté ;
Ses flèches lancées vers le soleil mourant chantaient
Comme son rire de jeune dieu qui chasse toute raison.
Amour, Amour, sois le bienvenu dans notre maison
Où t’attendent la flamme de l’âtre et la coupe de bon vin.
Amour, ô toi qui es trop beau pour ne pas être divin,
Apaise en nos pauvres cœurs toute crainte de trahison !
Et l’amour est entré en riant dans notre maison,
Et nous ceignant le cou du double collier de ses bras,
Il a forcé nos bouches closes et nos yeux ingrats
À voir et à dire enfin ce que nous leur refusons.
Depuis, nous avons fermé la porte de notre maison
Pour garder auprès de nous le dieu errant Amour
Qui nous fit oublier la fuite furtive des jours
En nous chantant le secret éternel des saisons.
Mais nous l’ouvrirons un jour, la porte de notre maison,
Pour que l’Amour, notre ami, aille baiser les hommes
Sur leurs lèvres et leurs yeux — aveugles et muets que nous sommes ! —
Comme il nous baisa sur les nôtres, ce soir plein d’oraisons !
Et ce sera Pâques alors autour de notre maison,
Et l’on entendra prier les morts autour des tombes,
Et l’on verra s’essorer comme des âmes les colombes
Entre le soleil mort et la lune née à l’horizon.
Les quatre saisons
Stuart Merrill