Qui rayiez mon ciel gris de vos ailes de feu
Dont le vent caressait mes tempes obsédées,
Vous pouvez revoler devers l’Infini bleu !
Et toi, Vers qui tintais, et toi, Rime sonore,
Et vous, Rhythmes chanteurs, et vous, délicieux
Ressouvenirs, et vous, Rêves, et vous encore,
Images qu’évoquaient mes désirs anxieux,
Il faut nous séparer. Jusqu’aux jours plus propices
Où nous réunira l’Art, notre maître, adieu,
Adieu, doux compagnons, adieu -, charmants complices !
Vous pouvez revoler devers l’Infini bleu.
Aussi bien, nous avons fourni notre carrière
Et le jeune étalon de notre bon plaisir,
Tout affolé qu’il est de sa course première,
A besoin d’un peu d’ombre et de quelque loisir.
– Car toujours nous t’avons fixée, ô Poésie,
Notre astre unique et notre unique passion,
T’ayant seule pour guide et compagne choisie,
Mère, et nous méfiant de l’Inspiration.
Poèmes saturniens
Paul Verlaine