Car, ayant considéré les
choses comme des moyens, ils
ne pouvaient pas croire
qu’elles se fussent faites
elles-mêmes; mais, pensant
aux moyens qu’ils ont
l’habitude d’agencer pour
eux-mêmes, ils ont dû
conclure qu’il y a un ou
plusieurs maîtres de la
Nature, doués de la liberté
humaine qui ont pris soin de
tout pour eux et qui ont
tout fait pour leur
convenance. Or, comme ils
n’ont jamais eu aucun
renseignement sur le naturel
de ces êtres, ils ont dû en
juger d’après le leur, et
ils ont ainsi admis que les
Dieux disposent tout à
l’usage des hommes, pour se
les attacher et être
grandement honorés par eux.
D’où il résulta que chacun
d’eux, suivant son naturel
propre, inventa des moyens
divers de rendre un culte à
Dieu, afin que Dieu l’aimât
plus que tous les autres et
mît la Nature entière au
service de son aveugle désir
et de son insatiable
avidité. Ainsi, ce préjugé
est devenu superstition et a
plongé de profondes racines
dans les esprits; ce qui fut
une raison pour chacun de
chercher de toutes ses
forces à comprendre les
causes finales de toutes
choses et à les expliquer.
Mais en voulant montrer que
la Nature ne fait rien en
vain
c’est-à-dire qui ne soit à
l’usage des hommes, ils
semblent avoir uniquement
montré que la Nature et les
Dieux délirent aussi bien
que les hommes.
L’Ethique
Une citation de Baruch Spinoza