Poésie Joachim Du Bellay

Recueils de poèmes

Les Regrets

Cependant que la Cour mes ouvrages lisait,
Et que la soeur du roi, l’unique Marguerite,
Me faisant plus d’honneur que n’était mon mérite,
De son bel oeil divin mes vers favorisait,

Une fureur d’esprit au ciel me conduisait
D’une aile qui la mort et les siècles évite,
Et le docte troupeau qui sur Parnasse habite,
De son feu plus divin mon ardeur attisait.
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Las, où est maintenant ce mépris de fortune?
Où est ce coeur vainqueur de toute adversité,
Cet honnête désir de l’immortalité,
Et cette honnête flamme au peuple non commune?

Où sont ces doux plaisirs, qu’au soir sous la nuit brune
Les Muses me donnaient, alors qu’en liberté
Dessus le vert tapis d’un rivage écarté
Je les menais danser aux rayons de la lune?
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Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui aiment l’honneur, chanteront de la gloire,
Ceux qui sont près du roi, publieront sa victoire,
Ceux qui sont courtisans, leurs faveurs vanteront,

Ceux qui aiment les arts, les sciences diront,
Ceux qui sont vertueux, pour tels se feront croire,
Ceux qui aiment le vin, deviseront de boire,
Ceux qui sont de loisir, de fables écriront,
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Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs,
Je ne veux retracer les beaux traits d’un Horace,
Et moins veux-je imiter d’un Pétrarque la grâce,
Ou la voix d’un Ronsard, pour chanter mes Regrets

Ceux qui sont de Phoebus vrais poètes sacrés
Animeront leurs vers d’une plus grande audace:
Moi, qui suis agité d’une fureur plus basse,
Je n’entre si avant en si profonds secrets.
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N’étant, comme je suis, encore exercité
Par tant et tant de maux au jeu de la fortune,
Je suivais d’Apollon la trace non commune,
D’une sainte fureur saintement agité.

Ores ne sentant plus cette divinité,
Mais piqué du souci qui fâcheux m’importune,
Une adresse j’ai pris beaucoup plus opportune
A qui se sent forcé de la nécessité.
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Un plus savant que moi, Paschal, ira songer
Avecques l’Ascréan dessus la double cime:
Et pour être de ceux dont on fait plus d’estime,
Dedans l’onde au cheval tout nu s’ira plonger.

Quant à moi, je ne veux, pour un vers allonger,
M’accourcir le cerveau: ni pour polir ma rime,
Me consumer l’esprit d’une soigneuse lime,
Frapper dessus ma table ou mes ongles ronger.
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Je ne veux point fouiller au sein de la nature,
Je ne veux point chercher l’esprit de l’univers,
Je ne veux point sonder les abîmes couverts,
Ni dessiner du ciel la belle architecture.

Je ne peins mes tableaux de si riche peinture,
Et si hauts arguments ne recherche à mes vers:
Mais suivant de ce lieu les accidents divers,
Soit de bien, soit de mal, j’écris à l’aventure.
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Quem, lector, tibi nunc damus libellum,
Hic fellisque simul, simulque mellis,
Permixtumque salis refert saporem.

Si gratum quid erit tuo palato,
Huc conviva veni: tibi haec parata est
Coena. Sin minus, hinc facesse, quaeso :
Ad hanc te volui haud vocare coenam.

Gordes, j’ai en horreur un vieillard vicieux
Qui l’aveugle appétit de la jeunesse imite,
Et jà foid par les ans de soi-même s’incite
A vivre délicat en repos otieux.

Mais je ne crains rien tant qu’un jeune ambitieux
Qui pour se faire grand contrefait de l’hermite,
Et voilant sa traïson d’un masque d’hypocrite,
Couve sous beau semblant un coeur malicieux.
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Si je n’ai plus la faveur de la Muse,
Et si mes vers se trouvent imparfaits,
Le lieu, le temps, l’âge où je les ai faits,
Et mes ennuis leur serviront d’excuse.

J’étais à Rome au milieu de la guerre,
Sortant déjà de l’âge plus dispos,
A mes travaux cherchant quelque repos,
Non pour louange ou pour faveur acquerre.
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