Britannicus ACTE V Scène VI

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Britannicus ACTE V Scène VI

Néron, Agrippine, Burrhus, Narcisse

Néron, voyant Agrippine.

Dieux !

Agrippine

Arrêtez, Néron: j’ai deux mots à vous dire.

Britannicus est mort, je reconnais les coups,

Je connais l’assassin.

Néron

Et qui, Madame ?

Agrippine

Vous.

Néron

Moi ! Voilà les soupçons dont vous êtes capable.

Il n’est point de malheur dont je ne sois coupable,

Et si l’on veut, Madame, écouter vos discours,

Ma main de Claude même aura tranché les jours.

Son fils vous était cher; sa mort peut vous confondre,

Mais des coups du destin je ne puis pas répondre.

Agrippine

Non, non, Britannicus est mort empoisonné:

Narcisse a fait le coup, vous l’avez ordonné.

Néron

Madame !… Mais qui peut vous tenir ce langage ?

Narcisse

Hé ! Seigneur, ce soupçon vous fait-il tant d’outrage ?

Britannicus, Madame, eut des desseins secrets

Qui vous auraient coûté de plus justes regrets.

Il aspirait plus loin qu’à l’hymen de Junie;

De vos propres bontés il vous aurait punie.

Il vous trompait vous-même, et son cœur offensé

Prétendait tôt ou tard rappeler le passé.

Soit donc que malgré vous le sort vous ait servie,

Soit qu’instruit des complots qui menaçaient sa vie,

Sur ma fidélité César s’en soit remis,

Laissez les pleurs, Madame, à vos seuls ennemis;

Qu’ils mettent ce malheur au rang des plus sinistres.

Mais vous…

Agrippine

Poursuis, Néron; avec de tels ministres,

Par des faits glorieux tu te vas signaler.

Poursuis. Tu n’as pas fait ce pas pour reculer.

Ta main a commencé par le sang de ton frère;

Je prévois que tes coups viendront jusqu’à ta mère.

Dans le fond de ton cœur, je sais que tu me hais;

Tu voudras t’affranchir du joug de mes bienfaits.

Mais je veux que ma mort te soit même inutile;

Ne crois pas qu’en mourant je te laisse tranquille.

Rome, ce ciel, ce jour que tu reçus de moi.

Partout, à tout moment, m’offriront devant toi.

Tes remords te suivront comme autant de furies,

Tu croiras les calmer par d’autres barbaries:

Ta fureur, s’irritant soi-même dans son cours,

D’un sang toujours nouveau marquera tous tes jours.

Mais j’espère qu’enfin le ciel, las de tes crimes,

Ajoutera ta perte à tant d’autres victimes,

Qu’après t’être couvert de leur sang et du mien,

Tu te verras forcé de répandre le tien,

Et ton nom paraîtra dans la race future,

Aux plus cruels tyrans une cruelle injure.

Voilà ce que mon cœur se présage de toi.

Adieu. Tu peux sortir.

Néron

Narcisse, suivez-moi.

La pièce de Théâtre Britannicus par Jean Racine.



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