Désir simple

Dans  Les Alternances,  Poésie Alphonse Beauregard
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Jeunes filles qui brodez
En suivant des songeries,
Seules sur vos galeries,
Ou qui dehors regardez,
Comme des oiseaux en cage,
Si j’en avais le courage
Vers l’une de vous j’irais
–    Dieu sait encore laquelle,
La plus triste ou la plus belle –
Et d’un ton simple dirais:

–    « Vous êtes celle, peut-être,
Qui m’apparaît si souvent
Diaphane dans le vent,
Celle que je dois connaître;
Je suis peut-être celui
Dont vous attendez l’appui,
Et qui tient en sa puissance
Tout le splendide inconnu.
Nous aurons, c’est convenu,
L’un en l’autre confiance. »

Lors je peindrais l’idéal
Qui m’aiguillonne et m’élève;
Vous confesseriez le rêve
De votre esprit virginal.
Nous avouerions si la vie
Nous fut l’intruse ou l’amie,

Quels plaisirs nous ont lassés,
Ce que l’aube nous murmure,
Par quelle sainte blessure
Nous apprîmes à penser.

Il se pourrait que soit vaine
La tentative d’aimer;
Pourtant, les coeurs sont rythmés
En mesures si prochaines,
Qu’entre nous il resterait
Des attaches, un secret.
Et quand, les jours de grisaille,
Nous irions au temps défunt
Il en naîtrait le parfum
D’éphémères fiançailles.

Réminiscences
Les deux amis à barbe grise,
La jambe croisée, en fumant,
En sont arrivés doucement,
La dernière nouvelle apprise,
À parler des choses d’antan.

Du fond de lointaines époques,
Comme un projecteur, leur esprit
Fait surgir des êtres chéris,
D’étranges moeurs, des mots baroques,
Des maisons de bois équarri.

Une date prend un visage,
La vie est leur calendrier.
–    « Ce pauvre Anthime, le rentier,
Se noya pendant mon veuvage. »
–    « C’est vrai, j’apprenais mon métier. »

L’amour instinctif de la race,
Plus accentué chez les vieux,
Les engage à parler de ceux
Qui venus d’eux prendront leur place,
Des alliés et des neveux.

On compare garçons et filles,
On fait l’inventaire des biens :
Plusieurs couples ont des moyens
Et font instruire leur famille,

Ce que ne pouvaient les anciens.

Alors, d’un ton où se devine
L’amertume d’un rêve enfui
Et la foi qu’une étoile a lui
Pour les fils, un des vieux opine :
– « Ah oui! les jeunes d’aujourd’hui… »

 

Un poème d’Alphonse Beauregard



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