Poésie Victor Hugo

Les contemplations

La nuit était fort noire et la forêt très-sombre. Hermann à mes côtés me paraissait une ombre. Nos chevaux galopaient. A la garde de Dieu ! Les nuages du ciel ressemblaient à des marbres. Les étoiles volaient dans les branches des arbres Comme un essaim d'oiseaux de feu.  

Marchands de grec ! marchands de latin ! cuistres ! dogues! Philistins ! magisters ! je vous hais, pédagogues ! Car, dans votre aplomb grave, infaillible, hébété, Vous niez l'idéal, la grâce et la beauté ! Car vos textes, vos lois, vos règles sont fossiles ! Car, avec l'air profond, vous êtes imbéciles !  

Ô vous l'âme profonde ! ô vous la sainte lyre ! Vous souvient-il des temps d'extase et de délire, Et des jeux triomphants, Et du soir qui tombait des collines prochaines ? Vous souvient-il des jours ? Vous souvient-il des chênes Et des petits enfants ?  

Jadis je vous disais : — Vivez, régnez, Madame ! Le salon vous attend ! le succès vous réclame ! Le bal éblouissant pâlit quand vous partez ! Soyez illustre et belle ! aimez ! riez ! chantez ! Vous avez la splendeur des astres et des roses !  

O mon enfant, tu vois, je me soumets. Fais comme moi : vis du monde éloignée ; Heureuse ? non ; triomphante ? jamais. — Résignée ! —  

Oh! vous aurez trop dit au pauvre petit ange Qu'il est d'autres anges là-haut, Que rien ne souffre au ciel, que jamais rien n'y change, Qu'il est doux d'y rentrer bientôt;  

Les étoiles, points d'or, percent les branches noires ; Le flot huileux et lourd décompose ses moires Sur l'océan blêmi ; Les nuages ont l'air d'oiseaux prenant la fuite ; Par moments le vent parle, et dit des mots sans suite, Comme un homme endormi.  

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