Les Frères de Catalogne

Dans  Contes Libertins 2nd partie
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Aujourd’hui l’une, et demain l’autre.
Tout avec ordre et croyez-nous:
On en va mieux quand on va doux.
Le sexe suit cette sentence.
Jamais de bruit pour la quittance,
Trop bien quelque collation
Et le tout par dévotion.
Puis de trinquer à la commère.
Je laisse à penser quelle chère
Faisait alors frère Frappart,
Tel d’entre eux avait pour sa part
Dix jeunes femmes bien payantes,
Frisques, gaillardes, attrayantes.
Tel aux douze et quinze passait.
Frère Roc à vingt se chaussait.
Tant et si bien que les donzelles,
Pour se montrer plus ponctuelles,
Payaient deux fois assez souvent:
Dont il avînt que le couvent,
Las enfin d’un tel ordinaire,
Après avoir à cette affaire
Vaqué cinq ou six mois entiers,
Eût fait crédit bien volontiers:
Mais les donzelles scrupuleuses,
De s’acquitter étaient soigneuses,
Croyant faillir en retenant
Un bien à l’ordre appartenant.
Point de dîmes accumulées:
Il s’en trouva de si zélées,
Que par avance elles payaient.
Les beaux pères n’expédiaient
Que les fringantes et les belles,
Enjoignant aux sempiternelles
De porter en bas leur tribut:
Car dans ces dîmes de rebut
Les lais trouvaient encore à frire
Bref à peine il se pourrait dire
Avec combien de charité
Le tout était exécuté.
Il avint qu’une de la bande,
Qui voulait porter son offrande,
Un beau soir, en chemin faisant,
Et son mari la conduisant,
Lui dit: Mon Dieu, j’ai quelque affaire
Là dedans avec certain frère,
Ce sera fait dans un moment.
L’époux répondit brusquement:
Quoi ? quelle affaire ? êtes-vous folle?
Il est minuit sur ma parole:
Demain vous direz vos pêchés:
Tous les bons pères sont couchés.
Cela n’importe, dit la femme;
Et par Dieu si, dit-il, Madame,
Je tiens qu’il importe beaucoup;
Vous ne bougerez pour ce coup.
Qu’avez-vous fait, et quelle offense
Presse ainsi votre conscience ?
Demain matin j’en suis d’accord.
Ah ! Monsieur, vous me faites tort,
Reprit-elle, ce qui me presse,
Ce n’est pas d’aller à confesse,
C’est de payer; car si j’attends,
Je ne le pourrai de longtemps;
Le frère aura d’autres affaires.
Quoi payer ? La dîme aux bons pères.
Quelle dîme ? Savez-vous pas ?
Moi je le sais ! c’est un grand cas,
Que toujours femme aux moines donne.
Mais cette dîme, ou cette aumône,
La saurai-je point à la fin ?
Voyez, dit-elle, qu’il est fin,
N’entendez-vous pas ce langage ?
C’est des oeuvres de mariage.
Quelles oeuvres ? reprit l’époux.
Et là, Monsieur, c’est ce que nous…
Mais j’aurais payé depuis l’heure.
Vous êtes cause qu’en demeure
Je me trouve présentement;
Car toujours je suis coutumière
De payer toute la première.
L’époux rempli d’étonnement,
Eut cent pensers en un moment
Il ne sut que dire et que croire.
Enfin pour apprendre l’histoire,
Il se tut, il se contraignit,
Du secret sans plus se plaignit;
Par tant d’endroits tourna sa femme,
Qu’ il apprit que mainte autre dame
Payait la même pension:
Ce lui fut consolation.
Sachez, dit la pauvre innocente,


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