Poésie René-François Sully Prudhomme

Les vaines tendresses

L'azur n'est plus égal comme un rideau sans pli. La feuille, à tout moment, tressaille, vole et tombe ; Au bois, dans les sentiers où le taillis surplombe, Les taches de soleil, plus larges, ont pâli.

à Maurice Chevrier Fait d'héroïsme et de clémence, Présent toujours au moindre appel, Qui de nous peut dire où commence, Où finit l'amour maternel ?

Pendant avril et mai, qui sont les plus doux mois, Les couples, enchantés par l'éther frais et rose, Ont ressenti l'amour comme une apothéose ; Ils cherchent maintenant l'ombre et la paix des bois.

C'était une amitié simple et pourtant secrète : J'avais sur sa parure un fraternel pouvoir, Et quand au seuil d'un bal nous nous trouvions le soir, J'aimais à l'arrêter devant moi tout prête.

Madame, vous étiez petite, J'avais douze ans ; Vous oubliez vos courtisans Bien vite ! Je ne voyais que vous au jeu Parmi les autres ; Mes doigts frôlaient parfois les vôtres Un peu…

Quand on est sous l'enchantement D'une faveur d'amour nouvelle, On s'en défendrait vainement, Tout le révèle :

à Albert Mérat J'ai peur d'avril, peur de l'émoi Qu'éveille sa douceur touchante ; Vous qu'elle a troublés comme moi, C'est pour vous seuls que je la chante.

Le présent se fait vide et triste, Ô mon amie, autour de nous ; Combien peu de passé subsiste ! Et ceux qui restent changent tous.

Poètes à venir, qui saurez tant de choses, Et les direz sans doute en un verbe plus beau, Portant plus loin que nous un plus large flambeau Sur les suprêmes fins et les premières causes ;

Ces vers, je les dédie aux amis inconnus, A vous, les étrangers en qui je sens des proches, Rivaux de ceux que j'aime et qui m'aiment le plus, Frères envers qui seuls mon coeur est sans reproches Et dont les coeurs au mien sont librement venus.

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