Déménagements

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Dieu merci, nous ne déménageons pas ! Déménager, c’est mourir beaucoup, c’est briser autant de liens avec le passé que de meubles le long du chemin douloureux. Déménager, c’est troubler la paix des souvenirs dormant au fond des tiroirs secrets, c’est bousculer l’intimité des chambres douces et brutaliser la rêverie des choses…

Et dire qu’il y a des gens qui passent indifféremment d’une demeure à
l’autre comme ils changent de tramway ! Ceux-là, je les envie, car ils
n’ont point d’âme, ils n’ont pas même, comme les animaux, l’instinct
qui pousse à revenir toujours au premier gîte. Ils ne s’attachent à
rien; leur maison ne leur représente qu’un amas ordonné de briques, de
bois et de plâtre que l’on quitte sans regret. Ils s’accommodent de


tous les lambris, pourvu qu’ils soient nouveaux; ils ne sont guère
idéalistes. N’ayant jamais lu Lamartine ni Rodenbach, – et n’en
éprouvant d’ailleurs nul besoin, – ils ne se mettent pas en peine du
sort des choses qu’ils devraient aimer, et dans lesquelles ils ne
voient que des objets d’utilité quotidienne facilement remplacés. Ils
ne sentent pas la poésie que les ans répandent, comme une poussière
spirituelle, sur tout ce qui nous a longtemps servi. Encore une fois,
ces gens sont heureux, puisqu’il est des sentiments dont il est bon
d’être dépourvu.

Les lourdes voitures chargées de meubles, d’ustensiles et de caisses
offrent un sujet de méditation infiniment triste. C’est un petit voyage
qui fait songer au grand, lorsque nous partirons chacun avec notre
bagage incohérent en son pêle-mêle et sa promiscuité de bonnes et de
mauvaises actions. Nous aménagerons pour l’éternité, mais ce n’est pas
nous qui choisirons le logement; il nous en sera donné un digne des
morceaux que nous apporterons. Nous pouvons désigner d’avance
l’habitation qui nous tente et essayer de l’obtenir : le bail ne sera
signé qu’après examen des effets et sur consentement du divin
Propriétaire, – et ce sera le dernier !

Je vous souhaite une petite maison à la campagne, avec de beaux arbres
autour, au bord d’un lac transparent rempli de grosses truites !

 

Billets du soir

Albert Lozeau

Déménagements Billets du soir Poésie Albert lozeau

 Poésie Albert lozeau - Billets du soir - Déménagements -  Dieu merci, nous ne déménageons pas ! Déménager, c'est mourir beaucoup, c'est briser autant de liens avec le passé que de meubles le long du chemin douloureux. Déménager, c'est troubler la paix des souvenirs dormant au fond des tiroirs secrets, c'est bousculer l'intimité des chambres douces et brutaliser la rêverie des choses... Et dire qu'il y a des gens qui passent indifféremment d'une demeure à


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