Le Cid ACTE III Scène V

Dans  Le Cid de Pierre Corneille
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Le Cid ACTE III Scène V

Don Diègue

Jamais nous ne goûtons de parfaite allégresse:

Nos plus heureux succès sont mêlés de tristesse;

Toujours quelques soucis en ces événements

Troublent la pureté de nos contentements.

Au milieu du bonheur mon âme en sent l’atteinte:

Je nage dans la joie, et je tremble de crainte.

J’ai vu mort l’ennemi qui m’avait outragé;

Et je ne saurais voir la main qui m’a vengé.

En vain je m’y travaille, et d’un soin inutile,

Tout cassé que je suis, je cours toute la ville:

Ce peu que mes vieux ans m’ont laissé de vigueur

Se consume sans fruit à chercher ce vainqueur.

À toute heure, en tous lieux, dans une nuit si sombre,

Je pense l’embrasser, et n’embrasse qu’une ombre;

Et mon amour, déçu par cet objet trompeur,

Se forme des soupçons qui redoublent ma peur.

Je ne découvre point de marques de sa fuite;

Je crains du comte mort les amis et la suite;

Leur nombre m’épouvante et confond ma raison.

Rodrigue ne vit plus, ou respire en prison.

Justes cieux ! me trompé-je encore à l’apparence,

Ou si je vois enfin mon unique espérance ?

C’est lui, n’en doutons plus; mes vœux sont exaucés,

Ma crainte est dissipée, et mes ennuis cessés.

Le Cid ACTE III Scène V

Don Diègue

La pièce de Théâtre Le Cid par Pierre Corneille.



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