Le Cid ACTE II Scène première

Dans  Le Cid de Pierre Corneille
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Le Cid ACTE II Scène première

Don Arias, le comte

Le Comte

Je l’avoue entre nous, mon sang un peu trop chaud

S’est trop ému d’un mot, et l’a porté trop haut;

Mais puisque c’en est fait, le coup est sans remède.

Don Arias

Qu’aux volontés du roi ce grand courage cède:

Il y prend grande part, et son cœur irrité

Agira contre vous de pleine autorité.

Aussi vous n’avez point de valable défense.

Le rang de l’offensé, la grandeur de l’offense,

Demandent des devoirs et des soumissions

Qui passent le commun des satisfactions.

Le Comte

Le roi peut, à son gré, disposer de ma vie.

Don Arias

De trop d’emportement votre faute est suivie.

Le roi vous aime encore; apaisez son courroux.

Il a dit: “ Je le veux “; désobéirez-vous ?

Le Comte

Monsieur, pour conserver tout ce que j’ai d’estime,

Désobéir un peu n’est pas un si grand crime;

Et quelque grand qu’il soit, mes services présents

Pour le faire abolir sont plus que suffisants.

Don Arias

Quoi qu’on fasse d’illustre et de considérable,

Jamais à son sujet un roi n’est redevable.

Vous vous flattez beaucoup, et vous devez savoir

Que qui sert bien son roi ne fait que son devoir.

Vous vous perdrez, monsieur, sur cette confiance.

Le Comte

Je ne vous en croirai qu’après l’expérience.

Don Arias

Vous devez redouter la puissance d’un roi.

Le Comte

Un jour seul ne perd pas un homme tel que moi.

Que toute sa grandeur s’arme pour mon supplice,

Tout l’État périra, s’il faut que je périsse.

Don Arias

Quoi ? Vous craignez si peu le pouvoir souverain…

Le Comte

D’un sceptre qui sans moi tomberait de sa main.

Il a trop d’intérêt lui-même en ma personne,

Et ma tête en tombant ferait choir sa couronne.

Don Arias

Souffrez que la raison remette vos esprits.

Prenez un bon conseil.

Le Comte

Prenez un bon conseil. Le conseil en est pris.

Don Arias

Qui lui dirai-je enfin ? Je lui dois rendre compte.

Le Comte

Que je ne puis du tout consentir à ma honte.

Don Arias

Mais songez que les rois veulent être absolus.

Le Comte

Le sort en est jeté, monsieur, n’en parlons plus.

Don Arias

Adieu donc, puisqu’en vain je tâche à vous résoudre;

Avec tous vos lauriers, craignez encor le foudre.

Le Comte

Je l’attendrai sans peur.

Don Arias

Je l’attendrai sans peur. Mais non pas sans effet.

Le Comte

Nous verrons donc par là don Diègue satisfait.

(Il est seul.)

Qui ne craint point la mort ne craint point les menaces.

J’ai le cœur au-dessus des plus fières disgrâces;

Et l’on peut me réduire à vivre sans bonheur,

Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur.

Le Cid ACTE II Scène première

Don Arias, le comte

La pièce de Théâtre Le Cid par Pierre Corneille.



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