Poésie Jean Moréas

Les Syrtes

Sur l’ arbre et la bête de somme,
Sur le fauve altier, et sur l’ homme
Inutilement révolté,
Monstre de pleurs et de sang ivre,
Désir formidable de vivre,
Tu fais peser ta volonté.

 

Les Syrtes

Jean Moréas

Etre serein ainsi qu’ un roc inaccessible,
Sans souci de chercher l’ oubli de ses pensées ;
L’ âme close aux sanglots des lyres cadencées,
Aux rêves hasardeux ne pas servir de cible.

Aux ors incandescents des trésors des Palmyres,
Aux perles des Ophirs-aveugles ses prunelles ;
La vertèbre rétive aux visions charnelles
Eparses dans l’ odeur énervante des myrrhes.

Le temps pétrifié sur les feuillets du livre ;
Le ciel du coeur uni comme un métal ; sans rides,
O sensibilité, tes surfaces virides ;
L’ aube pareille au crépuscule : ô ne pas vivre !

 

Les Syrtes

Jean Moréas

La voix, songeuse voix de lèvres devinées,
Eparse dans les sons aigus de l’ instrument,
A travers les murs sourds filtre implacablement,
Irritant des désirs et des langueurs fanées.
Alors, comme sous la baguette d’ un sorcier,
Dans mon esprit flottant la vision se calque :
Blanche avec des cheveux plus noirs qu’ un catafalque,
Frêle avec des rondeurs plus lisses que l’ acier.
Dans le jade se meurt la branche de verveine.
Les tapis sont profonds et le vitrail profond.
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  O mer immense, mer aux rumeurs monotones, Tu berças doucement mes rêves printaniers ; O mer immense, mer perfide aux mariniers, Sois clémente aux douleurs sages de mes automnes.

  Mon cœur, mon cœur fut la lanterne Eclairant le lupanar terne ; Mon cœur, mon cœur, fut un rosier, Rosier poussé sur le fumier.

J' ai trouvé jusqu' au fond des cavernes alpines L' antique ennui niché, Et j' ai meurtri mon coeur pantelant, aux épines De l' éternel péché. O sagesse clémente, ô déesse aux yeux calmes, Viens visiter mon sein, Que je m' endorme un peu dans la fraîcheur des palmes, Loin du désir malsain.

  Feux libertins flambant dans l' auberge fatale Où se vautre l' impénitence des dégoûts, Où mon âme a brûlé sa robe de vestale, Eteignez-vous !

  Que l' on jette ces lis, ces roses éclatantes, Que l' on fasse cesser les flûtes et les chants Qui viennent raviver les luxures flottantes A l' horizon vermeil de mes désirs couchants. Oh ! Ne me soufflez plus le musc de votre haleine, Oh ! Ne me fixez pas de vos yeux fulgurants,…

  Lorsque sous la rafale et dans la brume dense, Autour d' un frêle esquif sans voile et sans rameurs, On a senti monter les flots pleins de rumeurs Et subi des ressacs l' étourdissante danse,

  Les bras qui se nouent en caresses pâmées, Le cordial bu du baiser animal, Les cheveux qu' on tord, les haleines humées, Des nerfs énervés apaisent-ils le mal ? O nos visions les toujours affamées !

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