Richard Minulto

Dans  Contes Libertins 1ere partie
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Tout sur-le-champ, je t’envoie quérir
Minutolo qui m’a si fort chérie ?
Je le devrais afin de te punir;
Et sur ma foi, j’en ai presque l’envie.
A ce propos le galant éclata.
Tu ris, dit-elle, ô dieux ! quelle insolence !
Rougira-t-il ? voyons sa contenance.
Lors de ses bras la belle s’échappa;
D’une fenêtre à tâtons approcha;
L’ouvrit de force; et fut bien étonnée
Quand elle vit Minutol son amant: E
lle tomba plus d’à demi pâmée. A
h ! qui t’eut cru, dit-elle, si méchant ?
Que dira-t-on ? me voilà diffamée.
Qui le saura ? dit Richard à l’instant;
Janot est sûr, j’en réponds sur ma vie.
Excusez donc si je vous ai trahie;
Ne me sachez mauvais gré d’un tel tour:
Adresse, force, et ruse, et tromperie;
Tout est permis en matière d’amour.
J’étais réduit avant ce stratagème
A vous servir sans plus pour vos beaux yeux:
. Ai-je failli de me payer moi-même ?
L’eussiez-vous fait ? non sans doute; et les dieux
En ce rencontre ont tout fait pour le mieux:
Je suis content; vous n’êtes point coupable;
Est-ce de quoi paraître inconsolable ?
Pourquoi gémir ? j’en connais, Dieu merci,
Qui voudraient bien qu’on les trompât ainsi.
Tout ce discours n’apaisa point Catelle.
Elle se mit à pleurer tendrement.
En cet état elle parut si belle,
Que Minutol de nouveau s’enflammant
Lui prit la main. Laisse-moi, lui dit-elle;
Contente-toi , veux-tu donc que j’appelle
Tous les voisins, tous les gens de Janot ?
Ne faites point, dit-il, cette folie;
Votre plus court est de ne dire mot.
Pour de l’argent, et non par tromperie
(Comme le monde est à présent bâti)
L’on vous croirait venue en ce lieu-ci.
Que si d’ailleurs cette supercherie
Allait jamais jusqu’à votre mari,
Quel déplaisir ! songez-y je vous prie;
En des combats n’engagez point sa vie;
Je suis du moins aussi mauvais que lui .
A ces raisons enfin Catelle cède.
La chose étant, poursuit-il, sans remède,
Le mieux sera que vous vous consoliez.
N’y pensez plus. Si pourtant vous vouliez…
Mais bannissons bien loin toute espérance;
Jamais mon zèle et ma persévérance
N’ont eu de vous que mauvais traitement.
Si vous vouliez, vous feriez aisément,
Que le plaisir de cette jouissance
Ne serait pas, comme il est. imparfait:
Que reste-t-il ? le plus fort en est fait.
Tant bien sut dire, et prêcher, que la dame
Séchant ses yeux, rassérénant son âme,
Plus doux que miel à la fin l’écouta.
D’une faveur en une autre il passa,
Eut un souris, puis après autre chose,
Puis un baiser, puis autre chose encor;
Tant que la belle, après un peu d’effort,
Vient à son point, et le drôle en dispose.
Heureux cent fois plus qu’il n’avait été !
Car quand l’Amour d’un et d’autre côté
Veut s’entremettre, et prend part à l’affaire,
Tout va bien mieux, comme m’ont assuré
Ceux que l’on tient savants en ce mystère.
Ainsi Richard jouit de ses amours,
Vécut content, et fit force bons tours,
Dont celui-ci peut passer à la montre .
Pas ne voudrais en faire un plus rusé:
Que plût à Dieu qu’en certaine rencontre
D’un pareil cas je me fusse avisé !Jean de la Fontaine
Fable de la Fontaine

 


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