Marines

Dans  Les Fleurs de givre,  Poésie William Chapman
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Retour de pêche

À Henri d’Arles.

Regardez, tout là-bas ! On voit ― blanches mouettes
Se profilant au bord de l’horizon mouvant ―
Lentement émerger douze voiles coquettes
Sous l’haleine légère et folâtre du vent.

Les fiers Gaspésiens reviennent de la pêche
Qui les a tout le jour retenus loin du bord.


Le ciel est clair, l’onde est calme, la brise est fraîche,
Le cormoran se tait, et la plage s’endort.

Dans le bleu sidéral une étoile s’allume.
La douce nuit de mai descend sur les grands flots.
Pas un vol d’alcyon n’effleure l’eau qui fume,
Pas un frisson des nids ne court sous les bouleaux.

Mais tout à coup les sons d’une cloche lointaine
S’élancent vers le ciel serein comme l’espoir ;
Et le souffle du large indolemment promène
Les suaves échos de l’angélus du soir.

Cet hymne de l’airain monte jusqu’à la nue
Qu’illumine le feu des phares de l’éther,
Et les rudes pêcheurs courbent leur tête nue
Pour saluer aussi l’Étoile de la Mer.

Avant qu’ils aient touché la plage où jase et chante
La vague harmonieuse aspergeant les cailloux,
Des femmes, la gaîté dans leur prunelle ardente,
Accourent du village au devant des époux.

Sautant dans les bateaux amarrés à la barre,
Chacune aide son homme à porter sur le pier
Ses dix drafts de morue ― une pêche assez rare ―
Qu’attend, pour les peser, le rigide overseer.

Puis, le poisson vendu, les dollars dans leurs poches,
Satisfaits, ces vaillants suivent maint sentier vert
Pour rentrer au logis, où, traînant leurs galoches,
Les vieilles sont en train de mettre le couvert.

Ô le frugal et gai souper dans la pénombre !
Ô l’appétit de loup !. Sur la nappe tout fond.
Le pain bis s’engloutit dans les bouches sans nombre,
La mélasse s’engouffre en des outres sans fond.

Quand chaque maisonnée a calmé sa fringale,
Quelques pêcheurs, suivis d’enfants et de vieillards,
Vont s’asseoir près de l’onde aux doux reflets d’opale,
Et sur le firmament promènent leurs regards.

Ils scrutent, du sommet calme de la falaise,
Les nuages planant comme de lourds oiseaux,
Pour savoir si demain la mer sera mauvaise,
Ou s’ils feront encor merveille sur les eaux.

Et, pendant qu’au loin tout s’efface sous les voiles
De l’ombre qui noircit les flots silencieux,
Plus d’un aïeul, fixant l’océan des étoiles,
Sent tomber sur son front la grande paix des cieux.

Les Fleurs de givre
William Chapman



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