Marie IV

Dans  Marie,  Poésie Auguste Brizeux
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Un jour que nous étions assis au pont Kerlô
Laissant pendre, en riant, nos pieds au fil de l’eau,
Joyeux de la troubler, ou bien, à son passage,
D’arrêter un rameau, quelque flottant herbage,
Ou sous les saules verts d’effrayer le poisson
Qui venait au soleil dormir près du gazon ;

Seuls en ce lieu sauvage, et nul bruit, nulle haleine
N’éveillant la vallée immobile et sereine,
Hors nos ris enfantins, et l’écho de nos voix

Qui partait par volée, et courait dans les bois,
Car entre deux forêts la rivière encaissée
Coulait jusqu’à la mer, lente, claire et glacée ;
Seuls, dis-je, en ce désert, et libres tout le jour,
Nous sentions en jouant nos coeurs remplis d’amour.
C’était plaisir de voir sous l’eau limpide et bleue
Mille petits poissons faisant frémir leur queue,
Se mordre, se poursuivre, ou, par bandes nageant,
Ouvrir et refermer leurs nageoires d’argent ;
Puis les saumons bruyants ; et, sous son lit de pierre,
L’anguille qui se cache au bord de la rivière ;
Des insectes sans nombre ailés ou transparents,
Occupés tout le jour à monter les courants,
Abeilles, moucherons, alertes demoiselles,
Se sauvant sous les joncs du bec des hirondelles. —
Sur la main de Marie une vint se poser,
Si bizarre d’aspect qu’afin de l’écraser
J’accourus ; mais déjà ma jeune paysanne
Par l’aile avait saisi la mouche diaphane,
Et voyant la pauvrette en ses doigts remuer :
« Mon dieu, comme elle tremble ! Oh ! Pourquoi la tuer ? »
Dit-elle. Et dans les airs sa bouche ronde et pure
Souffla légèrement la frêle créature,
Qui, déployant soudain ses deux ailes de feu,
Partit, et s’éleva joyeuse et louant Dieu.

Bien des jours ont passé depuis cette journée,
Hélas ! Et bien des ans ! Dans ma quinzième année,
Enfant, j’entrais alors ; mais les jours et les ans
Ont passé sans ternir ces souvenirs d’enfants ;
D’autres jours viendront et des amours nouvelles ;
Et mes jeunes amours, mes amours les plus belles,
Dans l’ombre de mon coeur mes plus fraîches amours,
Mes amours de quinze ans refleuriront toujours.

 

Un poème d’Auguste Brizeux

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