Le Cocu, battu, et content

Dans  Contes Libertins 1ere partie
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Et de venir ne tenais quasi compte,
Ne te croyant le coeur si perverti,
Que de vouloir tromper un tel mari.
Or bien, je vois qu’il te faut un ami;
Trouvé ne l’as en moi, je t’en assure.
Si j’ai tiré ce rendez-vous de toi,
C’est seulement pour éprouver ta foi:
Et ne t’attends de m’induire à luxure:
Grand pécheur suis; mais j’ai, la Dieu merci,
De ton honneur encor quelque souci.
A Monseigneur ferais-je un tel outrage ?
Pour toi, tu viens avec un front de page:
Mais, foi de Dieu, ce bras te châtiera;
Et Monseigneur puis après le saura.
Pendant ces mots époux pleurait de joie,
Et tout ravi disait entre ses dents:
Loué soit Dieu, dont la bonté m’envoie
Femme et valet si chastes, si prudents.
Ce ne fut tout; car à grands coups de gaule
Le pèlerin vous lui froisse une épaule;
De horions laidement l’accoutra;
Jusqu’au logis ainsi le convoya.
Messire Bon eut voulu que le zèle
De son valet n’eut été jusque-là;
Mais le voyant si sage et si fidèle,
Le bonhommeau des coups se consola.
Dedans le lit sa femme il retrouva;
Lui conta tout, en lui disant: M’amie,
Quand nous pourrions vivre cent ans encor,
Ni vous ni moi n’aurions de notre vie
Un tel valet; c’est sans doute un trésor.
Dans notre bourg je veux qu’il prenne femme:
A l’avenir traitez-le ainsi que moi.
Pas n’y faudrai, lui repartit la dame;
Et de ceci je vous donne ma foi.Jean de la Fontaine
Fable de Jean de la Fontaine

 

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