Notice

Dans  Le Château des désertes
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Notice

Le Château des Désertes est une analyse de quelques idées d’art plutôt qu’une analyse de sentiments. Ce roman m’a servi, une fois de plus, à me confirmer dans la certitude que les choses réelles, transportées dans le domaine de la fiction, n’y apparaissent un instant que pour y disparaître aussitôt, tant leur transformation y devient nécessaire.

Durant plusieurs hivers consécutifs, étant retirée à la campagne avec mes enfants et quelques amis de leur âge, nous avions imaginé de jouer la comédie sur scénario et sans spectateurs, non pour nous instruire en quoique ce soit, mais pour nous amuser. Cet amusement devint une passion pour les enfants, et peu à peu une sorte d’exercice littéraire qui ne fut point inutile au développement intellectuel de plusieurs d’entre eux. Une sorte de mystère que nous ne cherchions pas, mais qui résultait naturellement de ce petit vacarme prolongé assez avant dans les nuits, au milieu d’une campagne déserte, lorsque la neige ou le brouillard nous enveloppaient au dehors, et que nos serviteurs même, n’aidant ni à nos changements de décor, ni à nos soupers, quittaient de bonne heure la maison où nous restions seuls; le tonnerre, les coups de pistolet, les roulements du tambour, les cris du drame et la musique du ballet, tout cela avait quelque chose de fantastique, et les rares passants qui en saisirent de loin quelque chose n’hésitèrent pas à nous croire fous ou ensorcelés.

Lorsque j’introduisis un épisode de ce genre dans le roman qu’on va lire, il y devint une étude sérieuse, et y prit des proportions si différentes de l’original, que mes pauvres enfants, après l’avoir lu, ne regardaient plus qu’avec chagrin le paravent bleu et les costumes de papier découpé qui avaient fait leurs délices. Mais à quelque chose sert toujours l’exagération de la fantaisie, car ils firent eux-mêmes un théâtre aussi grand que le permettait l’exiguïté du local, et arrivèrent à y jouer des pièces qu’ils firent, eux-mêmes aussi, les années suivantes.

Qu’elles fussent bonnes ou mauvaises, là n’est point la question intéressante pour les autres: mais ne firent-ils pas mieux de s’amuser et de s’exercer ainsi, que de courir cette bohème du monde réel, qui se trouve à tous les étages de la société ?

C’est ainsi que la fantaisie, le roman, l’œuvre de l’imagination, en un mot, a son effet détourné, mais certain, sur l’emploi de la vie. Effet souvent funeste, disent les rigoristes de mauvaise foi ou de mauvaise humeur. Je le nie. La fiction commence par transformer la réalité; mais elle est transformée à son tour et fait entrer un peu d’idéal, non pas seulement dans les petits faits, mais dans les grands sentiments de la vie réelle.

GEORGE SAND.

NOHANT 17 janvier 1853

A M. W.-G. MACREADY.

Ce petit ouvrage essayant de remuer quelques idées sur l’art dramatique, je le mets sous la protection d’un grand nom et d’une honorable amitié.

GEORGE SAND.

Nohant, 30 avril 1847.

 

Le Château des désertes

Un roman de George Sand



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