Le Bourgeois gentilhomme ACTE III Scène IV

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Le Bourgeois gentilhomme ACTE III Scène IV

Le Bourgeois gentilhomme par Molière

Dorante, Monsieur Jourdain, Madame Jourdain, Nicole.

Dorante

Mon cher ami, Monsieur Jourdain, comment vous portez-vous ?

Monsieur Jourdain

Fort bien, Monsieur, pour vous rendre mes petits services.

Dorante

Et Madame Jourdain que voilà, comment se porte-t-elle ?

Madame Jourdain

Madame Jourdain se porte comme elle peut.

Dorante

Comment, Monsieur Jourdain ? vous voilà le plus propre du monde !

Monsieur Jourdain

Vous voyez.

Dorante

Vous avez tout à fait bon air avec cet habit, et nous n’avons point de jeunes gens à la cour qui soient mieux faits que vous.

Monsieur Jourdain

Hay, hay.

Madame Jourdain

Il le gratte par où il se démange.

Dorante

Tournez-vous. Cela est tout à fait galant.

Madame Jourdain

Oui, aussi sot par derrière que par devant.

Dorante

Ma foi ! Monsieur Jourdain, j’avais une impatience étrange de vous voir. Vous êtes l’homme du monde que j’estime le plus, et je parlais de vous encore ce matin dans la chambre du Roi.

Monsieur Jourdain

Vous me faites beaucoup d’honneur, Monsieur. (à Madame Jourdain.) Dans la chambre du Roi !

Dorante

Allons, mettez.

Monsieur Jourdain

Monsieur, je sais le respect que je vous dois.

Dorante

Mon Dieu ! mettez: point de cérémonie entre nous, je vous prie.

Monsieur Jourdain

Monsieur.

Dorante

Mettez, vous dis-je, Monsieur Jourdain: vous êtes mon ami.

Monsieur Jourdain

Monsieur, je suis votre serviteur.

Dorante

Je ne me couvrirai point, si vous ne vous couvrez.

Monsieur Jourdain

J’aime mieux être incivil qu’importun.

Dorante

Je suis votre débiteur, comme vous le savez.

Madame Jourdain

Oui, nous ne le savons que trop.

Dorante

Vous m’avez généreusement prêté de l’argent en plusieurs occasions, et m’avez obligé de la meilleure grâce du monde, assurément.

Monsieur Jourdain

Monsieur, vous vous moquez.

Dorante

Mais je sais rendre ce qu’on me prête, et reconnaître les plaisirs qu’on me fait.

Monsieur Jourdain

Je n’en doute point, Monsieur.

Dorante

Je veux sortir d’affaire avec vous, et je viens ici pour faire nos comptes ensemble.

Monsieur Jourdain

Hé bien ! vous voyez votre impertinence, ma femme.

Dorante

Je suis homme qui aime à m’acquitter le plus tôt que je puis.

Monsieur Jourdain

Je vous le disais bien.

Dorante

Voyons un peu ce que je vous dois.

Monsieur Jourdain

Vous voilà, avec vos soupçons ridicules.

Dorante

Vous souvenez-vous bien de tout l’argent que vous m’avez prêté ?

Monsieur Jourdain

Je crois que oui. J’en ai fait un petit mémoire. Le voici. Donné à vous une fois deux cents louis.

Dorante

Cela est vrai.

Monsieur Jourdain

Une autre fois, six-vingts.

Dorante

Oui.

Monsieur Jourdain

Et une autre fois, cent quarante.

Dorante

Vous avez raison.

Monsieur Jourdain

Ces trois articles font quatre cent soixante louis, qui valent cinq mille soixante livres.

Dorante

Le compte est fort bon. Cinq mille soixante livres.

Monsieur Jourdain

Mille huit cent trente-deux livres à votre plumassier.

Dorante

Justement.

Monsieur Jourdain

Deux mille sept cent quatre-vingts livres à votre tailleur.

Dorante

Il est vrai.

Monsieur Jourdain

Quatre mille trois cent septante-neuf livres douze sols huit deniers à votre marchand.

Dorante

Fort bien. Douze sols huit deniers.

le compte est juste.

Monsieur Jourdain

Et mille sept cent quarante-huit livres sept sols quatre deniers à votre sellier.

Dorante

Tout cela est véritable. Qu’est-ce que cela fait ?

Monsieur Jourdain

Somme totale, quinze mille huit cents livres.

Dorante

Somme totale est juste.

quinze mille huit cents livres. Mettez encore deux cents pistoles que vous m’allez donner, cela fera justement dix-huit mille francs, que je vous payerai au premier jour.

Madame Jourdain

Hé bien ! ne l’avais-je pas bien deviné ?

Monsieur Jourdain

Paix !

Dorante

Cela vous incommodera-t-il, de me donner ce que je vous dis ?

Monsieur Jourdain

Eh non !

Madame Jourdain

Cet homme-là fait de vous une vache à lait.

Monsieur Jourdain

Taisez-vous.

Dorante

Si cela vous incommode, j’en irai chercher ailleurs.

Monsieur Jourdain

Non, Monsieur.

Madame Jourdain

Il ne sera pas content, qu’il ne vous ait ruiné.

Monsieur Jourdain

Taisez-vous, vous dis-je.

Dorante

Vous n’avez qu’à me dire si cela vous embarrasse.

Monsieur Jourdain

Point, Monsieur.

Madame Jourdain

C’est un vrai enjôleux.

Monsieur Jourdain

Taisez-vous donc.

Madame Jourdain

Il vous sucera jusqu’au dernier sou.

Monsieur Jourdain

Vous tairez-vous ?

Dorante

J’ai force gens qui m’en prêteraient avec joie; mais comme vous êtes mon meilleur ami, j’ai cru que je vous ferais tort si j’en demandais à quelque autre.

Monsieur Jourdain

C’est trop d’honneur, Monsieur, que vous me faites. Je vais quérir votre affaire.

Madame Jourdain

Quoi ? vous allez encore lui donner cela ?

Monsieur Jourdain

Que faire ? voulez-vous que je refuse un homme de cette condition-là, qui a parlé de moi ce matin dans la chambre du Roi ?

Madame Jourdain

Allez, vous êtes une vraie dupe.

Le Bourgeois gentilhomme ACTE III Scène IV

La pièce de Théâtre Le Bourgeois gentilhomme par Molière



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