La Tortue et les deux Canards

Dans  Fables Jean de la Fontaine,  Les fables Livre 10
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Une tortue était, à la tête légère,
Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays.
Volontiers on fait cas d’une terre étrangère:
Volontiers gens boiteux haïssent le logis.
Deux canards, à qui la commère
Communiqua ce beau dessein,
Lui dirent qu’ils avaient de quoi la satisfaire.
“Voyez-vous ce large chemin?
Nous vous voiturerons, par l’air, en Amérique:
Vous verrez mainte république,
Maint royaume, maint peuple; et vous profiterez
Des différentes moeurs que vous remarquerez
Ulysse en fit autant.” On ne s’attendait guère
De voir Ulysse en cette affaire.
La tortue écouta la proposition.
Marché fait, les oiseaux forgent une machine
Pour transporter la pèlerine.
Dans la gueule, en travers, on lui passe un bâton.
“Serrez bien, dirent-ils, gardez de lâcher prise.”
Puis chaque canard prend ce bâton par un bout.
La tortue enlevée, on s’étonne partout
De voir aller en cette guise
L’animal lent et sa maison,
Justement au milieu de l’un et l’autre oison.
“Miracle! criait-on: venez voir dans les nues
Passer la reine des tortues.
-La reine! vraiment oui: je la suis en effet,
Ne vous en moquez point.” Elle eut beaucoup mieux fait
De passer son chemin sans dire autre chose;
Car, lâchant le bâton en desserrant les dents,
Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
Son indiscrétion de sa perte fut cause.
Imprudence, babil, et sotte vanité,
Et vaine curiosité,
Ont ensemble étroit parentage.
Ce sont enfants tous d’un lignage.

Jean de la Fontaine
Fable Jean de la Fontaine

La Tortue et les deux Canards Les fables Livre 10 Fables Jean de la Fontaine

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