Je serais Marjane, Marjane jusqu’à la toute fin!

Dans  Rahma Khiari
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Il y a déjà plus d’un an, que le
feu révolutionnaire qui est parti de chez nous a embrasé tout le monde arabe
d’un printemps des peuples. Un printemps de libertés, de promesses et de rêves.
On a eu cette brève espérance d’un avenir où nos enfants, et nos petits-enfants
allaient grandir en étant libres, que nous allions accéder aux statuts de
citoyens et exercer ce droit délicieux de l’existence civique aux sein d’une
démocratie qui respectera nos droits les plus élémentaires.

Il y a eu ce temps des belles propositions
et des paroles que tout et chacun se plaisait à vendre à un peuple, encore imbu
de sa fraiche victoire sur un régime qui l’a tenu en laisse presque un quart de
siècle.

Luther King avait un rêve, nous
aussi. Or, ou en sommes-nous de sa réalisation, de la mise en pratique des
projets révolutionnaires ?

Après tout, qu’est-ce qui a
changé ? Sommes-nous content de la situation actuelle où il y a des
voix qui s’élèvent en réclamant le retour l’ancien président déchu?

Je crains que dans un futur post-révolutionnaire
supposé être plus brillant, plus « vivable », en un mot : meilleur,
on soit dans une phase de stagnation où la situation de crise est évidente, et
que personne de ceux que le peuple a élu, ne fait rien pour y remédier.  Avec un gouvernement impuissant et incapable
de gérer le flux de problèmes qui le submergent, une Assemblée Constituante qui
n’a pas encore rédigée ce fameux texte de la nouvelle constitution qui ,ne
demande pourtant pas les compétences de Nizar Qabeni en langue arabe, mais qui
continue pourtant de profiter de ses avantages et qui en réclame toujours de
nouveaux, des grèves de plus en plus fréquentes qui handicapent la roue
économique, l’inflation énorme des prix qui pèsent sur les familles à petit
budget… Il faut l’avouer : ce pays est dans le pétrin et vu comme cela
se présente ; il n’a pas l’air pressé d’en sortir de si tôt.

En dépit de cela, restons Zen et
évitions de nous alarmer, les salafistes ne courent pas encore les rues, ou
bien si, ils le font et l’horloge de l’ancienne place 7 novembre, rebaptisée
place 14 janvier, en témoignerai.
Toutefois, rien de grave, nos médias ne voient pas la nécessité d’en
parler. L’influence bleue y est sans doute pour quelque chose.

Avant le 14 janvier, je ne regardais
la télévision tunisienne que durant le mois de ramadan pour suivre les
feuilletons avec la famille. Mais, depuis cette fameuse nuit qui a tout changé,
il me semble que le paysage médiatique tunisienne a subit un changement. Il
n’est pas question d’amélioration ou de régression mais de « tentative
d’indépendance ».

Il y a eu cet incident qui a
fait couler beaucoup d’encre (beaucoup trop pour une question qui ne
nécessitait pas autant de fausses réserves) et a alimenté plusieurs
débats : « l’incident Nessma » et le procès du directeur de la
chaîne Mr. Nabil Karoui.

Mais, à mes yeux, il y a eu ce
nouveau synonyme de révolte. Un mot qui a autant de poids que les pamphlets
voltairiens. Persépolis.

Je ne sais pas ce que ce mot
veut dire. Toutefois, je sais ce qu’il représente pour moi désormais. C’est la
vie d’une petite fille, une toute petite existence dans ce bain de vies qu’est
le monde. La petite iranienne qui a découvert la musique et qui est devenue fan
de Rock en secret, une ex-citoyenne qui a vécu son enfance clandestinement, au
milieu de cette emprise du “non” religieux, le non qui a détruit son
innocence d’enfant de son siècle.

Un foulard, une bouche cousue,
un uniforme de ninja et un visage tellement décoloré qu’il fait peur, voici les
caractéristiques de la femme iranienne du film. Ils disent que c’est cela
l’islam, que c’est cela qu’il faut encourager et promouvoir. Je n’accepterai
jamais une telle résignation abominable. Les femmes d’Iran se sont soumises,
les Tunisiennes ne le feront jamais! Je le jure! Nous sommes libres, modernes
et beaucoup trop cultivées pour se laisser marcher dessus par une minorité
masochiste.

Je dis aussi que ce n’est pas
mon Islam. Moi, ma religion est faite d’amour, de compassion, non de contrainte
et de frustration. Ma religion n’est pas la peur et le dénigrement de l’autre,
elle est l’acceptation de ceux qui ne sont pas comme moi. La notion
d’inférieurs ou supérieurs, n’est pas musulman. Elle est humaine; et cela est
différent.

En regardant Persépolis, j’ai
été très fière, et je le suis encore, qu’une femme a osé braver l’injustice
qu’elle a vécu. Il y a eu cette polémique idiote par rapport à la
représentation de Dieu. Les fameux faux-musulmans qui jalousent leur croyance
divine sont entrés par effraction chez monsieur Karoui parce que cette homme a
commis une seule petite faute: croire que les tunisiens ont changé! Croire
qu’ils ont atteint un niveau intellectuel leur permettant de respecter la
liberté de pensée d’autrui. Sans doute qu’il a oublié pour une heure et
trente-six minutes qu’il était en Tunisie.

S’ils sont tellement croyants,
alors, où étaient-ils lorsque le caricaturiste danois avait fait un portait
hideux du prophète (que la prière de Dieu soit sur lui)? J’ai la réponse:
entrain de siroter un petit cocktail de bière chez une fille de joie à Londres sans
doute.

A présent, venons-en à la
fameuse nouvelle théorie philosophique du Ghanouchisme.

Le Ghanouchisme mes chères amies
c’est une volonté exercée par un frustré sur d’autres frustrés qui veulent
tromper leurs biscuits dans quatre crèmes différentes pour commencer (On ne
sait jamais. Peut-être que dans Nahdistan il y aura une loi de “crème à
volonté pour tous les biscuits du “territoire idiot”).  Et tapis pour la crème, elle n’a pas son mot à
dire.

La frustration leur est commune,
cela est clair.  Mais, entre un frustré de génération A, et un autre de
génération B, il y a un facteur qui se dissout en route: la ruse. En effet, la
ruse est remplacée par la bêtise, ou plutôt, elle est métamorphosée en
sauvagerie par des marchands de religion.

Les Tunisiens sont assez
candides pour croire que Nahdha est le porte-parole de Dieu, que s’ils votent
pour ce parti Dieu sera satisfait et content d’eux. Mais ce qui est en jeu est
beaucoup plus important que cela.

Ce qui est en mise c’est moi,
toi, nous tous. Cette femme que Bourguiba a libérée du “safsari”, va
porter une tunique de ninja dans le cas où un retour à un régime islamique est
entamé. Un ninja se cache sous un habit noir pour protéger son identité, et une
femme se protège sous un niqab pour rassurer l’homme sur ses complexes. Parce
que monsieur, en digne porteur de zizi qu’il est, voit sa soi-disant puissance
masculine en danger lorsqu’il voit une femme qui a un truc qui fonctionne dans
la tête et que son organe génital en dirige pas.

Ils disent que le Hijab, burqa,
niqab et autres protègent la femme des pulsations sexuelles des hommes. Moi je
dis que je suis fière de mon maquillage, que je prends un plaisir immense à
choisir une nouvelle couleur pour mes cheveux, que des fois, mon plus gros souci
et de trouver les boucles d’oreilles qui correspondent à ma tenue du joug et je
crois que cet homme qui se prétend supérieur à moi n’a qu’à s’offrir une
castration ou une vasectomie pour que tous le monde soit tranquille et à l’abri
de dérapages.

Je suis aussi fière d’avoir des
amis de toutes les couleurs, de toutes les religions, de ne pas exclure les
homosexuels mais de les voir en tant qu’hommes et femmes qui ont un choix
différent du mien. Pourquoi juger une personne qui ne m’a jamais fait du mal? Pourquoi
dire que ses orientations sexuelles me dégoûtent alors que ce n’est pas mon
affaire?

Si un jour, il y aura un retour
à un régime de Kalif et subordonnés: alors il est impératif que les noirs
seront des esclaves comme jadis.  A cette
diffamation je réponds que noir, jaune, rouge, et blanc sont des couleurs, rien
que des couleurs.

Je suis dans cette Tunisie du
bikini, de la voilée respectueuse, des photos de profil Facebook en bouche de
canard, des statut de couple qui changent chaque jour, des rêves, des filles
qui font le premier pas, de la jeunesse qui fait la fête, de la danse de rue,
des ghettos, des fumeurs, des sans-familles, des gays, des lesbiennes, des
grand-mères cool et des baisers volés…

Je suis de cette Tunisie où tous
le monde est différent, mais où l’on a vécu côte à côte, paisiblement jusqu’à
ce jour… bleu qui, je le souhaite, ne sera pas noir parce que les fleurs du
mal perdent leurs pétales aussi, comme les fleurs de lys.

Je me plais parfois à imaginer
la prochaine décennie. Un futur où il n’y aurait plus aucune personne vivant
dans la misère. Où les pots de vin, les soudoyés ne trouveront plus leur place
dans nos systèmes administratives et où la désignation des employés sera selon
les qualifications et non pas selon les connexions. D’une nation où chacun, du
plus jeune au plus âgé serait reconnu à sa juste valeur et encouragé à
poursuivre ses rêves dans n’importe quel domaine, parce que je veux ce pays du
respect, de la créativité et du talent à l’état pure. D’une Tunisie où les
élèves, lycéens vivant dans le sud n’auront plus à parcourir des kilomètres
dans la grêle et le froid pour arriver à leurs établissements et où tout le
monde aura des ordinateurs pour travailler et une connexion internet pour se
cultiver davantage, lire, et s’ouvrir sur le monde. Où l’idée de quitter le
pays clandestinement pour les côtes italiennes serait un mauvais souvenir,
parce que notre pays aurait retrouvé ses gloires passés au taux de chômage qui
sera du degré zéro. Je rêve aussi de cette Tunisie où nous sommes tous frères,
peu importe nos religions, nos couleurs, et nos appartenances politiques.  Bref, d’une civilisation qui redeviendra la
perle de la méditerranée  comme du temps
de Carthage et de sa belle Didon.

Nous sommes un peuple qui porte une histoire immense et riche dont
il devra retrouver la dignité.

On pourrait trouver mes souhaits déraisonnables, car après tout je
suis une femme, et quand on est femme on ne parle pas de ces choses-là.

Mais,

I have a dream…



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