Horace ACTE III Scène VI

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Horace ACTE III Scène VI

Horace par Pierre Corneille

Le vieil Horace

Nous venez-vous, Julie, apprendre la victoire ?

Julie

Mais plutôt du combat les funestes effets:

Rome est sujette d’Albe, et vos fils sont défaits;

Des trois les deux sont morts, son époux seul vous reste.

Le vieil Horace

Ô d’un triste combat effet vraiment funeste !

Rome est sujette d’Albe, et pour l’en garantir

Il n’a pas employé jusqu’au dernier soupir !

Non, non, cela n’est point, on vous trompe, Julie;

Rome n’est point sujette, ou mon fils est sans vie:

Je connais mieux mon sang, il sait mieux son devoir.

Julie

Mille, de nos remparts, comme moi l’ont pu voir.

Il s’est fait admirer tant qu’ont duré ses frères;

Mais comme il s’est vu seul contre trois adversaires,

Près d’être enfermé d’eux, sa fuite l’a sauvé.

Le vieil Horace

Et nos soldats trahis ne l’ont point achevé ?

Dans leurs rangs à ce lâche ils ont donné retraite ?

Julie

Je n’ai rien voulu voir après cette défaite.

Camille

Ô mes frères !

Le vieil Horace

Tout beau, ne les pleurez pas tous;

Deux jouissent d’un sort dont leur père est jaloux.

Que des plus nobles fleurs leur tombe soit couverte;

La gloire de leur mort m’a payé de leur perte:

Ce bonheur a suivi leur courage invaincu,

Qu’ils ont vu Rome libre autant qu’ils ont vécu,

Et ne l’auront point vue obéir qu’à son prince,

Ni d’un état voisin devenir la province.

Pleurez l’autre, pleurez l’irréparable affront

Que sa fuite honteuse imprime à notre front;

Pleurez le déshonneur de toute notre race,

Et l’opprobre éternel qu’il laisse au nom d’Horace.

Julie

Que vouliez-vous qu’il fît contre trois ?

Le vieil Horace

Qu’il mourût,

Ou qu’un beau désespoir alors le secourût.

N’eût-il que d’un moment reculé sa défaite,

Rome eût été du moins un peu plus tard sujette;

Il eût avec honneur laissé mes cheveux gris,

Et c’était de sa vie un assez digne prix.

Il est de tout son sang comptable à sa patrie;

Chaque goutte épargnée a sa gloire flétrie;

Chaque instant de sa vie, après ce lâche tour,

Met d’autant plus ma honte avec la sienne au jour.

J’en romprai bien le cours, et ma juste colère,

Contre un indigne fils usant des droits d’un père,

Saura bien faire voir dans sa punition

L’éclatant désaveu d’une telle action.

Sabine

Écoutez un peu moins ces ardeurs généreuses,

Et ne nous rendez point tout à fait malheureuses.

Le vieil Horace

Sabine, votre cœur se console aisément;

Nos malheurs jusqu’ici vous touchent faiblement.

Vous n’avez point encor de part à nos misères:

Le ciel vous a sauvé votre époux et vos frères;

Si nous sommes sujets, c’est de votre pays;

Vos frères sont vainqueurs quand nous sommes trahis;

Et voyant le haut point où leur gloire se monte,

Vous regardez fort peu ce qui nous vient de honte.

Mais votre trop d’amour pour cet infâme époux

Vous donnera bientôt à plaindre comme à nous.

Vos pleurs en sa faveur sont de faibles défenses:

J’atteste des grands dieux les suprêmes puissances

Qu’avant ce jour fini, ces mains, ces propres mains

Laveront dans son sang la honte des Romains.

Sabine

Suivons-le promptement, la colère l’emporte.

Dieux ! Verrons-nous toujours des malheurs de la sorte ?

Nous faudra-t-il toujours en craindre de plus grands,

Et toujours redouter la main de nos parents ?

Horace ACTE III Scène VI

La pièce de Théâtre Horace par Pierre Corneille.



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