Les Trois Mousquetaires

Chapitres du roman :

Causerie d’un frère avec sa sœur

Pendant le temps que Lord de Winter mit à fermer la porte, à pousser un volet et à approcher un siège du fauteuil de sa belle-sœur, milady, rêveuse, plongea son regard dans les profondeurs de la possibilité, et découvrit toute la trame qu’elle n’avait pas même pu entrevoir, tant qu’elle ignorait en quelles mains elle était tombée. Elle connaissait son beau-frère pour un bon gentilhomme, franc-chasseur, joueur intrépide, entreprenant près des femmes, mais d’une force inférieure à la sienne à l’endroit de l’intrigue. Comment avait-il pu découvrir son arrivée, la faire saisir ? Pourquoi la retenait-il ?

Athos lui avait bien dit quelques mots qui prouvaient que la conversation qu’elle avait eue avec le cardinal était tombée dans des oreilles étrangères; mais elle ne pouvait admettre qu’il eût pu creuser une contre-mine si prompte et si hardie.

Elle craignit bien plutôt que ses précédentes opérations en Angleterre n’eussent été découvertes. Buckingham pouvait avoir deviné que c’était elle qui avait coupé les deux ferrets, et se venger de cette petite trahison; mais Buckingham était incapable de se porter à aucun excès contre une femme, surtout si cette femme était censée avoir agi par un sentiment de jalousie.
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Officier

Cependant le cardinal attendait des nouvelles d’Angleterre, mais aucune nouvelle n’arrivait, si ce n’est fâcheuse et menaçante.

Si bien que La Rochelle fût investie, si certain que pût paraître le succès, grâce aux précautions prises et surtout à la digue qui ne laissait plus pénétrer aucune barque dans la ville assiégée, cependant le blocus pouvait durer longtemps encore; et c’était un grand affront pour les armes du roi et une grande gêne pour M. le cardinal, qui n’avait plus, il est vrai, à brouiller Louis XIII avec Anne d’Autriche, la chose était faite, mais à raccommoder M. de Bassompierre, qui était brouillé avec le duc d’Angoulême.

Quant à Monsieur, qui avait commencé le siège, il laissait au cardinal le soin de l’achever.
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Première journée de captivité

Revenons à milady, qu’un regard jeté sur les côtes de France nous a fait perdre de vue un instant.

Nous la retrouverons dans la position désespérée où nous l’avons laissée, se creusant un abîme de sombres réflexions, sombre enfer à la porte duquel elle a presque laissé l’espérance: car pour la première fois elle doute, pour la première fois elle craint.

Dans deux occasions sa fortune lui a manqué, dans deux occasions elle s’est vue découverte et trahie, et dans ces deux occasions, c’est contre le génie fatal envoyé sans doute par le Seigneur pour la combattre qu’elle a échoué: d’Artagnan l’a vaincue, elle, cette invincible puissance du mal.
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Deuxième journée de captivité

Milady rêvait qu’elle tenait enfin d’Artagnan, qu’elle assistait à son supplice, et c’était la vue de son sang odieux, coulant sous la hache du bourreau, qui dessinait ce charmant sourire sur les lèvres.

Elle dormait comme dort un prisonnier bercé par sa première espérance.

Le lendemain, lorsqu’on entra dans sa chambre, elle était encore au lit. Felton était dans le corridor: il amenait la femme dont il avait parlé la veille, et qui venait d’arriver; cette femme entra et s’approcha du lit de milady en lui offrant ses services.
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Troisième journée de captivité

Felton était venu; mais il y avait encore un pas à faire: il fallait le retenir, ou plutôt il fallait qu’il restât tout seul; et milady ne voyait encore qu’obscurément le moyen qui devait la conduire à ce résultat.

Il fallait plus encore: il fallait le faire parler, afin de lui parler aussi: car, milady le savait bien, sa plus grande séduction était dans sa voix, qui parcourait si habilement toute la gamme des tons, depuis la parole humaine jusqu’au langage céleste.

Et cependant, malgré toute cette séduction, milady pouvait échouer, car Felton était prévenu, et cela contre le moindre hasard. Dès lors, elle surveilla toutes ses actions, toutes ses paroles, jusqu’au plus simple regard de ses yeux, jusqu’à son geste, jusqu’à sa respiration, qu’on pouvait interpréter comme un soupir. Enfin, elle étudia tout comme fait un habile comédien à qui l’on vient de donner un rôle nouveau dans un emploi qu’il n’a pas l’habitude de tenir.
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Quatrième journée de captivité

Le lendemain, lorsque Felton entra chez milady, il la trouva debout, montée sur un fauteuil, tenant entre ses mains une corde tissée à l’aide de quelques mouchoirs de batiste déchirés en lanières tressées les unes avec les autres et attachées bout à bout; au bruit que fit Felton en ouvrant la porte, milady sauta légèrement à bas de son fauteuil, et essaya de cacher derrière elle cette corde improvisée, qu’elle tenait à la main.

Le jeune homme était plus pâle encore que d’habitude, et ses yeux rougis par l’insomnie indiquaient qu’il avait passé une nuit fiévreuse.

Cependant son front était armé d’une sérénité plus austère que jamais.
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Cinquième journée de captivité

Cependant milady en était arrivée à un demi-triomphe, et le succès obtenu doublait ses forces.

Il n’était pas difficile de vaincre, ainsi qu’elle l’avait fait jusque-là, des hommes prompts à se laisser séduire, et que l’éducation galante de la cour entraînait vite dans le piège; milady était assez belle pour ne pas trouver de résistance de la part de la chair, et elle était assez adroite pour l’emporter sur tous les obstacles de l’esprit.

Mais, cette fois, elle avait à lutter contre une nature sauvage, concentrée, insensible à force d’austérité; la religion et la pénitence avaient fait de Felton un homme inaccessible aux séductions ordinaires. Il roulait dans cette tête exaltée des plans tellement vastes, des projets tellement tumultueux, qu’il n’y restait plus de place pour aucun amour, de caprice ou de matière, ce sentiment qui se nourrit de loisir et grandit par la corruption. Milady avait donc fait brèche, avec sa fausse vertu, dans l’opinion d’un homme prévenu horriblement contre elle, et par sa beauté, dans le cœur et les sens d’un homme chaste et pur. Enfin, elle s’était donné la mesure de ses moyens, inconnus d’elle-même jusqu’alors, par cette expérience faite sur le sujet le plus rebelle que la nature et la religion pussent soumettre à son étude.
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Un moyen de tragédie classique

Après un moment de silence employé par milady à observer le jeune homme qui l’écoutait, elle continua son récit:

— Il y avait près de trois jours que je n’avais ni bu ni mangé, je souffrais des tortures atroces: parfois il me passait comme des nuages qui me serraient le front, qui me voilaient les yeux: c’était le délire.
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Évasion

Comme l’avait pensé lord de Winter, la blessure de milady n’était pas dangereuse; aussi dès qu’elle se trouva seule avec la femme que le baron avait fait appeler et qui se hâtait de la déshabiller, rouvrit-elle les yeux.

Cependant, il fallait jouer la faiblesse et la douleur; ce n’étaient pas choses difficiles pour une comédienne comme milady; aussi la pauvre femme fut-elle si complètement dupe de sa prisonnière, que, malgré ses instances, elle s’obstina à la veiller toute la nuit.

Mais la présence de cette femme n’empêchait pas milady de songer.
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Ce qui se passait à Portsmouth le 23 août 1628

Felton prit congé de milady comme un frère qui va faire une simple promenade prend congé de sa sœur, en lui baisant la main.

Toute sa personne paraissait dans son état de calme ordinaire: seulement une lueur inaccoutumée brillait dans ses yeux, pareille à un reflet de fièvre; son front était plus pâle encore que de coutume; ses dents étaient serrées, et sa parole avait un accent bref et saccadé qui indiquait que quelque chose de sombre s’agitait en lui.

Tant qu’il resta sur la barque qui le conduisait à terre, il demeura le visage tourné du côté de milady, qui, debout sur le pont, le suivait des yeux. Tous deux étaient assez rassurés sur la crainte d’être poursuivis: on n’entrait jamais dans la chambre de milady avant neuf heures; et il fallait trois heures pour venir du château à Londres.
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