Poésies Arthur Rimbaud

Premières Poésies

Dans la salle à manger brune, que parfumait
Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise
Je ramassais un plat de je ne sais quel met
Belge, et je m’épatais dans mon immense chaise.

En mangeant, j’écoutais l’horloge, – heureux et coi.
La cuisine s’ouvrit avec une bouffée,
Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,
Fichu moitié défait, malinement coiffée

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, cinq heures du soir
Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.
– Au Cabaret-Vert: je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table
Verte: je contemplai les sujets très naïfs

De la tapisserie. – Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
– Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! –

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Le dormeur du val par Arthur Rimbaud

C’est un trou de verdure, où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit: c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

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À Elle.
L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l’oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée…
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou…
Et tu me diras : « Cherche ! » en inclinant la tête,
– Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
– Qui voyage beaucoup…
7 octobre 1870.

 

De Arthur Rimbaud

L’Homme pâle, le long des pelouses fleuries,
Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents:
L’Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries
– Et parfois son oeil terne a des regards ardents…
Car l’Empereur est saoul de ses vingt ans d’orgie !

Il s’était dit : «Je vais souffler la liberté
Bien délicatement, ainsi qu’une bougie !»
La Liberté revit ! Il se sent éreinté !
Il est pris. – Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes
Tressaille ? Quel regret implacable le mord ?
On ne le saura pas. L’Empereur a l’oeil mort.
Il repense peut-être au Compère en lunettes…
– Et regarde filer de son cigare en feu,
Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu.
1870.

L’Homme pâle, le long des pelouses fleuries,
Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents:
L’Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries
– Et parfois son oeil terne a des regards ardents…
Car l’Empereur est saoul de ses vingt ans d’orgie !

Il s’était dit : «Je vais souffler la liberté
Bien délicatement, ainsi qu’une bougie !»
La Liberté revit ! Il se sent éreinté !
Il est pris. – Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes
Tressaille ? Quel regret implacable le mord ?

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I
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans.
– Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière.
Le vent chargé de bruits – la ville n’est pas loin –
A des parfums de vigne et des parfums de bière…
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Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond,
A genoux, cinq petits – misère ! –
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
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LUI. – Ta poitrine sur ma poitrine,
Hein ? nous irions,
Ayant de l’air plein la narine,
Aux frais rayons
Du bon matin bleu, qui vous baigne
Du vin de jour ?…
Quand tout le bois frissonnant saigne
Muet d’amour
De chaque branche, gouttes vertes,
Des bourgeons clairs,
On sent dans les choses ouvertes
Frémir des chairs:

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Elle était fort déshabillée,
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.

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