Extraits

André Frénaud, 1907-1993, est l’auteur d’une oeuvre poétique au souffle puissant, l’une des plus importantes de la seconde moitié du XXe siècle français.

Poésies André Frénaud

Il y a de quoi boire et de gros biftecks dans ma maison.
De quoi rire et de quoi s’aimer et de quoi pas.
De quoi passer sa rage et apaiser son temps.
De quoi faire attention et de n’y prendre garde.
Des fenêtres pour obstruer, des portes qui ferment clair.
Des arbres sans horizon et des beaux. Des bêtes à toutes voix.

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Je l’ai proférée en pierres sèches, ma maison,
pour que les petits chats y naissent dans ma maison,
pour que les souris s’y plaisent dans ma maison.
Pour que les pigeons s’y glissent, pour que la mi-heure y mitonne,

quand de gros soleils y clignent dans les réduits.
Pour que les enfants y jouent avec personne,
c’est-à-dire avec le vent chaud, les marronniers.
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Pourquoi grogne la truie ? Elle ne sème pas l’esprit, la truie, parce qu’elle grogne.
Pourquoi meugle la vache ? Elle n’adoucit pas la terre, la débonnaire, parce qu’elle la lèche.
Pourquoi bêle-t-elle, la bique ? Serait-ce bien ainsi façon de prier Dieu ?
Pourquoi met-elle bas, la brebis, si aucun agneau, jamais, ne nous rachètera.
Pourquoi les chevaux courent, longue crinière… Qu’ont-ils à faire ?

Le souffle inaltérablement vrillé par les grillons, s’échappera-t-il, se lèvera-t-il ?

 

André Frénaud

C’est le jour de fête de la Liberté
Nous avions oublié la vieille mère
Dont les anciens ont planté les arbres.

Il est des morts vaincus qu’il faut précipiter
Encore un coup du haut des tours en pierre.
Il est des assauts qu’il faut toujours reprendre.
Il est des chants qu’il faut chanter en chœur,
Des feuillages à brandir et des drapeaux
Pour ne pas perdre le droit des arbres
De frémir au vent.
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Grand corps étendu incertain,
de loin je te vois
par-delà les corbeaux et la cendre.

La grande plaine oblongue
et les profonds herbages,
les hauteurs de tes hanches
où perle un gentil ruissellement de l’eau,
montagne aimée des abeilles et du vent
de mon souffle mort, recomposé autour de toi
pour pénétrer par la bouche entrouverte.
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Quand je remettrai mon ardoise au néant
un de ces prochains jours,

il ne me ricanera pas à la gueule.
Mes chiffres ne sont pas faux,
ils font un zéro pur.
Viens mon fils, dira-t-il de ses dents froides,
dans le sein dont tu es digne.
Je m’étendrai dans sa douceur.

 

André Frénaud

Mai-septembre 1938
(Les rois mages)

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