Nouvelles méditations poétiques
Jusqu’à l’heure où de ce séjour
Les fleurs fermeront leur calice
Aux regards languissants du jour.
Voilà ton ciel, ô mon étoile !
Soulève, oh ! soulève ce voile,
Éclaire la nuit de ces lieux ;
Parle, chante, rêve, soupire,
Pourvu que mon regard attire
Un regard errant de tes yeux.
Harmonies poétiques et religieuses
Font jaillir dans l’azur des milliers d’étincelles ;
Qui, ravivant le ciel comme un miroir terni,
Permet à l’oeil charmé d’en sonder l’infini ;
Nuit où le firmament, dépouillé de nuages,
De ce livre de feu rouvre toutes les pages !
Sur le dernier sommet des monts, d’où le regard
Dans un trouble horizon se répand au hasard,
Je m’assieds en silence, et laisse ma pensée
Flotter comme une mer où la lune est bercée.
Ils glissent sans laisser de trace ;
Dans mon âme rien ne t’efface,
Ô dernier songe de l’amour !
Je vois mes rapides années
S’accumuler derrière moi,
Comme le chêne autour de soi
Voit tomber ses feuilles fanées.
Le Ciel punissant tes enfants,
De châtiments héréditaires
Accablera leurs descendants !
Jusqu’à ce qu’une main propice
Relève l’auguste édifice
Par qui la terre touche aux cieux,
Et que le zèle et la prière
Dissipent l’indigne poussière
Qui couvre l’image des dieux !
Fanera tes couleurs comme une fleur passée
Sur ces lits de gazon ;
Et sa main flétrira sur tes charmantes lèvres
Ces rapides baisers, hélas ! dont tu me sèvres
Dans leur fraîche saison.
Mais quand tes yeux, voilés d’un nuage de larmes,
De ces jours écoulés qui t’ont ravi tes charmes
Pleureront la rigueur ;
Quand dans ton souvenir, dans l’onde du rivage
L’étoile qui guida les bergers de l’aurore
Vers le Dieu couronné d’indigence et d’affront,
Répandit sur la terre un jour qui luit encore,
Que chaque âge à son tour reçoit, bénit, adore
Qui dans la nuit des temps jamais ne s’évapore,
Et ne s’éteindra pas quand les cieux s’éteindront !
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour ?
Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !
Suspendait sur les flots son orbe sans rayon,
Puis plongeait la moitié de sa sanglante image,
Comme un navire en feu qui sombre à l’horizon ;
Et la moitié du ciel pâlissait, et la brise
Défaillait dans la voile, immobile et sans voix,
Et les ombres couraient, et sous leur teinte grise
Tout sur le ciel et l’eau s’effaçait à la fois ;
Oh ! qui m’emportera vers les tièdes rivages,
Où l’Arno couronné de ses pâles ombrages,
Aux murs des Médicis en sa course arrêté,
Réfléchit le palais par un sage habité,
Et semble, au bruit flatteur de son onde plus lente,
Murmurer les grands noms de Pétrarque et du Dante ?
Ou plutôt, que ne puis-je, au doux tomber du jour,
Quand le front soulagé du fardeau de la cour,
Tu vas sous tes bosquets chercher ton Égérie,
Ma mère en gémissant m’a jeté faible et nu ;
J’ai compté dans le ciel le coucher et l’aurore
D’un astre qui descend pour remonter encore,
Et dont l’homme, qui s’use à les compter en vain,
Attend, toujours trompé, toujours un lendemain ;
Mon âme a, quelques jours, animé de sa vie
Un peu de cette fange à ces sillons ravie,