Poésie Théophile de Viau

Recueils de poèmes

Œuvres poétiques

Me dois-je taire encore, Amour, quelle apparence? Jamais esprit ne fut forcé comme le mien: Il faut ou dénouer ou rompre ce lien, Et d'un dernier effort tenter ma délivrance.

Depuis qu'on m'a donné licence d'espérer, Je me trouve obligé d'aimer ma servitude; Je n'accuserai plus Cloris d'ingratitude, Puisqu'elle me permet l'honneur de l'adorer.

Vos rigueurs me pressaient d'une douleur si forte Que si votre présent, reçu si chèrement, Encore un jour ou deux eût tardé seulement, Vous n'eussiez obligé qu'une personne morte.

Ton orgueil peut durer au plus deux ou trois ans: Après cette beauté ne sera plus si vive, Tu verras que ta flamme alors sera tardive, Et que tu deviendras l'objet des médisants.

Qui que tu sois, bien grand et bien heureux sans doute, Puisque Deheins en parle, et qu'il t'estime tant, Vois la troupe des Soeurs qui se dispose toute A courre avecque toi sur l'empire flottant.

Les Parques ont le teint plus gai que mon visage, Je crois que les damnés sont plus heureux que moi; Aussi le vieux tyran qui leur donne la loi, Des peines que je sens n'a jamais eu l'usage. Les jours les plus sereins pour moi sont pleins d'orage,

Si j'étais dans un bois poursuivi d'un lion, Si j'étais à la mer au fort de la tempête, Si les dieux irrités voulaient presser ma tête Du faix du mont Olympe et du mont Pélion,

Un corbeau devant moi croasse, Une ombre offusque mes regards, Deux belettes et deux renards Traversent l'endroit où je passe, Les pieds faillent à mon cheval,

Dis-moi, Tircis, sans vanité, Remarques-tu que la beauté, Qui tient ton esprit et ta vie, Ait pour toi quelque peu d'amour? Connais-tu bien qu'elle ait envie De te le témoigner un jour?

Je n'ai repos ni nuit ni jour, Je brûle, je me meurs d'amour, Tout me nuit, personne ne m'aide, Le mal m'ôte le jugement, Et plus je cherche de remède, Moins je trouve d'allégement.

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