Plus mille fois que nul or terrien, J'aime ce front où mon tyran se joue Et le vermeil de cette belle joue, Qui fait honteux le pourpre Tyrien.
Petit nombril, que mon penser adore, Et non mon oeil qui n'eut onques le bien De te voir nu, et qui mérites bien Que quelque ville on te bâtisse encore ;
Par un destin dedans mon coeur demeure, L'oeil, et la main, et le crin délié Qui m'ont si fort brûlé, serré, lié, Qu'ars, pris, lassé, par eux faut que je meure.
Ores l'effroi et ores l'espérance De tous côtés se campent en mon coeur : Ni l'un ni l'autre au combat n'est vainqueur, Pareils en force et en persévérance.
Ô doux parler, dont l'appât doucereux Nourrit encore la faim de ma mémoire, Ô front, d'Amour le Trophée et la gloire, Ô ris sucrés, ô baisers savoureux ;
Ny voir flamber au point du jour les roses, Ny liz plantez sus le bord d'un ruisseau, Ny son de luth, ny ramage d'oyseau, Ny dedans l'or les gemmes bien encloses,
Ni de son chef le trésor crépelu, Ni de son ris l'une et l'autre fossette, Ni l'embonpoint de sa gorge grassette, Ni son menton rondement fosselu,
Mon Dieu, que j'aime à baiser les beaux yeux De ma maîtresse, et à tordre en ma bouche De ses cheveux l'or fin qui s'escarmouche Si gaiement dessus deux petits cieux !
Le Ciel ne veut, Dame, que je jouisse De ce doux bien que dessert mon devoir ; Aussi ne veux-je, et ne me plaît d'avoir Sinon du mal en vous faisant service.
Je voudrais être Ixion et Tantale, Dessus la roue et dans les eaux là-bas, Et nu à nu presser entre mes bras Cette beauté qui les anges égale.