Le printemps n'a point tant de fleurs, L'autonne tant de raisins meurs, L'esté tant de chaleurs halées, L'hyver tant de froides gelées, Ny la mer a tant de poissons, Ny la Beauce tant de moissons, Ny la Bretaigne tant d'arenes, Ny l'Auvergne tant de fonteines, Ny la nuict tant de clairs flambeaux, Ny les forests…
Ce jour de Mai qui a la tête peinte, D'une gaillarde et gentille verdeur, Ne doit passer sans que ma vive ardeur Par votre grâce un peu ne soit éteinte.
Chanson Bonjour mon coeur, bonjour ma douce vie. Bonjour mon oeil, bonjour ma chère amie, Hé ! bonjour ma toute belle, Ma mignardise, bonjour, Mes délices, mon amour,
Or que l'hiver roidit la glace épaisse, Réchauffons-nous, ma gentille maîtresse, Non accroupis près le foyer cendreux, Mais aux plaisirs des combats amoureux. Assisons-nous sur cette molle couche.
Laissant mes flancs sur les siens s’allonger,
Et que, d’un branle habilement léger,
En sa moitié ma moitié je recolle !
Amour, adonc si follement m’affole,
Qu’un tel abus je ne voudroi changer,
Non au butin d’un rivage étranger,
Non au sablon qui jaunoie en Pactole.
Mon dieu, quel heur, et quel consentement,
M’a fait sentir ce faux recollement,
Ni de la cruauté de ma jeune Lucrèce,
Ni comme, sans recours, languir elle me laisse :
Je me plains de sa main et de son godmicy.
C’est un gros instrument par le bout étréci,
Dont chaste elle corrompt toute nuit sa jeunesse :
Voilà contre l’Amour sa prudente finesse,
Voilà comme elle trompe un amoureux souci.
Aussi, pour récompense, une haleine puante,
Une glaire épaissie entre ses draps gluante,
Un or frisé de maint crêpe anelet,
Un front de rose, un teint damoiselet,
Un ris qui l’âme aux Astres achemine ;
Une vertu de telles beautés digne,
Un col de neige, une gorge de lait,
Un coeur jà mûr en un sein verdelet,
En Dame humaine une beauté divine ;
Un oeil puissant de faire jours les nuits,
Une main douce à forcer les ennuis,
Guidé, mal-caut, d’un trop aveugle oiseau,
Ayant encore le menton damoiseau,
Sain et gaillard je vins à ton service.
Mais, ô cruelle, outré de ta malice,
Je m’en retourne en une vieille peau,
En chef grison, en perte de mon beau :
Tels sont d’Amour les jeux et l’exercice.
Hélas, que dis-je ! où veux-je m’en aller ?
D’un autre bien je ne me puis soûler.
Ou soit qu’il vague en deux glissantes ondes,
Qui çà, qui là par le sein vagabondes,
Et sur le col, nagent folâtrement ;
Ou soit qu’un noeud illustré richement
De maints rubis et maintes perles rondes,
Serre les flots de ses deux tresses blondes,
Mon coeur se plaît en son contentement.
Quel plaisir est-ce, ainçois quelle merveille,
Quand ses cheveux, troussés dessus l’oreille,
Fait à noz yeux la chose concevoir,
Et si mon oeil n’a puissance de voir,
Si quelqu’idole au devant ne s’oppose :
Que ne m’a fait celuy qui tout compose,
Les yeux plus grands, afin de mieux pouvoir
En leur grandeur, la grandeur recevoir
Du simulachre où ma vie est enclose ?
Certes le ciel trop ingrat de son bien,
Qui seul la fit, et qui seul vit combien