Les Syrtes

Oh ! Qu’ il vienne un autre messie
Secouer l’ antique inertie,
Qu’ il vienne en ses rédemptions
Détruire l’ oeuvre de la femme
Et te faucher, désir infâme
Des neuves générations.

 

Les Syrtes

Jean Moréas

Mais ta promesse n’ est que leurre !
Bientôt, bientôt sonnera l’ heure
Du chevalier au pied fourché,
Et nous savons bien que tu caches
Sous les velours et les panaches,
Toute la hideur du péché.

 

Les Syrtes

Jean Moréas

A travers les chaudes haleines
Des tabacs et des marjolaines,
De nos voeux tu guides l’ essor
Où, dans sa fière nonchalance,
La fleur-charnelle se balance
Pareille au grand lis nimbé d’ or.

 

Les Syrtes

Jean Moréas

Sous la comète et sous la lune,
En tunique de pourpre brune,
Très blanche avec des cheveux blonds,
Près du lac où nagent les cygnes,
Ta feinte candeur a des signes
Qui parlent des sentiers oblongs.

 

Les Syrtes

Jean Moréas

Car tu sais pour damner notre âme
Faire jaillir la pure-flamme
Dans l’ oeil des hiboux et des freux ;
Tu connais les accoutumances
Des devins, et les nigromances
Et les hocuspocus affreux.

 

Les Syrtes

Jean Moréas

Expert en les dialectiques,
Tu parles et tu sophistiques
Avec ta voix de clair métal :
Et les tentations pullulent,
Et les tentations ululent
Dans l’ ombre du ravin fatal.

 

Les Syrtes

Jean Moréas

Pour vaincre l’ austère non-être
Tu dis aux succubes de naître,
Et de ta main tu prodiguas
Les joyaux aux prostituées,
Et les couronnes polluées
Autour du front des renégats.

 

Les Syrtes

Jean Moréas

Sur l’ arbre et la bête de somme,
Sur le fauve altier, et sur l’ homme
Inutilement révolté,
Monstre de pleurs et de sang ivre,
Désir formidable de vivre,
Tu fais peser ta volonté.

 

Les Syrtes

Jean Moréas

Etre serein ainsi qu’ un roc inaccessible,
Sans souci de chercher l’ oubli de ses pensées ;
L’ âme close aux sanglots des lyres cadencées,
Aux rêves hasardeux ne pas servir de cible.

Aux ors incandescents des trésors des Palmyres,
Aux perles des Ophirs-aveugles ses prunelles ;
La vertèbre rétive aux visions charnelles
Eparses dans l’ odeur énervante des myrrhes.

Le temps pétrifié sur les feuillets du livre ;
Le ciel du coeur uni comme un métal ; sans rides,
O sensibilité, tes surfaces virides ;
L’ aube pareille au crépuscule : ô ne pas vivre !

 

Les Syrtes

Jean Moréas

La voix, songeuse voix de lèvres devinées,
Eparse dans les sons aigus de l’ instrument,
A travers les murs sourds filtre implacablement,
Irritant des désirs et des langueurs fanées.
Alors, comme sous la baguette d’ un sorcier,
Dans mon esprit flottant la vision se calque :
Blanche avec des cheveux plus noirs qu’ un catafalque,
Frêle avec des rondeurs plus lisses que l’ acier.
Dans le jade se meurt la branche de verveine.
Les tapis sont profonds et le vitrail profond.
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