Le jardin de l’enfance

De mon berceau d’enfant j’ai fait l’autre berceau
Où ma Muse s’endort dans des trilles d’oiseau,
Ma Muse en robe blanche, ô ma toute maîtresse !

Oyez nos baisers d’or aux grands soirs familiers…
Mais chut ! j’entends déjà la mégère Détresse
À notre seuil faisant craquer ses noirs souliers !

 

Le jardin de l’enfance

Emile Nelligan

Toi-même, éblouissant comme un soleil ancien
Les Regrets des solitudes roses,
Contemple le dégât du Parc magicien,
Où s’effeuillent, au pas du Soir musicien,
Des morts de camélias, de roses.

Revisitons le Faune à la flûte fragile
Près des bassins au vaste soupir,
Et le banc où, le soir, comme un jeune Virgile,
Je venais célébrant sur mon théorbe agile
Ta prunelle au reflet de saphir.

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Des soirs, j’errais en lande hors du hameau natal,
Perdu parmi l’orgueil serein des grands monts roses,
Et les Anges, à flots de longs timbres moroses,
Ébranlaient les bourdons, au vent occidental.

Comme un berger-poète au coeur sentimental,
J’aspirais leur prière en l’arôme des roses,
Pendant qu’aux ors mourants, mes troupeaux de névroses
Vagabondaient le long des forêts de santal.

Ainsi, de par la vie où j’erre solitaire,
J’ai gardé dans mon âme un coin de vieille terre,

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Quelquefois je suis plein de grandes voix anciennes
Et je revis un peu l’enfance en la villa
Je me retrouve encore avec ce qui fut là
Quand le soir nous jetait de l’or par les persiennes.

Et dans mon âme alors soudain je vois groupées
Mes soeurs à cheveux blonds jouant près des vieux feux
Autour d’elles le chat rôde, le dos frileux,
Les regardant vêtir, étonné, leurs poupées.

Ah ! la sérénité des jours à jamais beaux
Dont sont morts à jamais les radieux flambeaux,

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Par les jardins anciens foulant la paix des cistes,
Nous revenons errer, comme deux spectres tristes,
Au seuil immaculé de la Villa d’antan.

Gagnons les bords fanés du Passé. Dans les râles
De sa joie il expire. Et vois comme pourtant
Il se dresse sublime en ses robes spectrales.

Ici sondons nos coeurs pavés de désespoirs.
Sous les arbres cambrant leurs massifs torses noirs
Nous avons les Regrets pour mystérieux hôtes.

Et bien loin, par les soirs révolus et latents,

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Rien n’est plus doux aussi que de s’en revenir
Comme après de longs ans d’absence,
Que de s’en revenir
Par le chemin du souvenir Fleuri de lys d’innocence,
Au jardin de l’Enfance.

Au jardin clos, scellé, dans le jardin muet
D’où s’enfuirent les gaietés franches,
Notre jardin muet Et la danse du menuet
Qu’autrefois menaient sous branches
Nos soeurs en robes blanches.

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Pour la lutte qui s’ouvre au seuil des mauvais jours
Ma mère m’a fait don d’un petit portrait d’elle,
Un gage auquel je suis resté depuis fidèle
Et qu’à mon cou suspend un cordon de velours. ”

Sur l’autel de ton coeur (puisque la mort m’appelle)
Enfant, je veillerai, m’a-t-elle dit, toujours.
Que ceci chasse au loin les funestes amours,
Comme un lampion d’or, gardien d’une chapelle.

” Ah ! sois tranquille en les ténèbres du cercueil !
Ce talisman sacré de ma jeunesse en deuil

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Ma mère, que je l’aime en ce portrait ancien,
Peint aux jours glorieux qu’elle était jeune fille,
Le front couleur de lys et le regard qui brille
Comme un éblouissant miroir vénitien !

Ma mère que voici n’est plus du tout la même ;
Les rides ont creusé le beau marbre frontal ;
Elle a perdu l’éclat du temps sentimental
Où son hymen chanta comme un rose poème.

Aujourd’hui je compare, et j’en suis triste aussi,
Ce front nimbé de joie et ce front de souci,

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Au temps où je portais des habits de velours,
Éparses sur mon col roulaient mes boucles brunes.
J’avais de grands yeux purs comme le clair des lunes ;
Dès l’aube je partais, sac au dos, les pas lourds.

Mais en route aussitôt je tramais des détours,
Et, narguant les pions de mes jeunes rancunes,
Je montais à l’assaut des pommes et des prunes
Dans les vergers bordants les murailles des cours.

Étant ainsi resté loin des autres élèves,
Loin des bancs, tout un mois, à vivre au gré des rêves,

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Par les hivers anciens, quand nous portions la robe,
Tout petits, frais, rosés, tapageurs et joufflus,
Avec nos grands albums, hélas! que l’on n’a plus,
Comme on croyait déjà posséder tout le globe !

Assis en rond, le soir, au coin du feu, par groupes,
Image sur image, ainsi combien joyeux
Nous feuilletions, voyant, la gloire dans les yeux,
Passer de beaux dragons qui chevauchaient en troupes !

Je fus de ces heureux d’alors, mais aujourd’hui,
Les pieds sur les chenets, le front terne d’ennui,

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