Dom Juan ou le Festin de pierre

ACTE III, Scène II

Dom Juan, Sganarelle, un pauvre.

SGANARELLE: Enseignez-nous un peu le chemin qui mène à la ville.

LE PAUVRE: Vous n’avez qu’à suivre cette route, Messieurs, et détourner à main droite quand vous serez au bout de la forêt; mais je vous donne avis que vous devez vous tenir sur vos gardes, et que, depuis quelque temps, il y a des voleurs ici autour.

DOM JUAN: Je te suis bien obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon cœur.

LE PAUVRE: Si vous vouliez, Monsieur, me secourir de quelque aumône ?

DOM JUAN: Ah ! ah ! ton avis est intéressé, à ce que je vois.

LE PAUVRE: Je suis un pauvre homme, Monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis dix ans, et je ne manquerai pas de prier le Ciel qu’il vous donne toute sorte de biens.

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ACTE III, Scène III

DOM JUAN, DOM CARLOS, SGANARELLE.

SGANARELLE: Mon maître est un vrai enragé d’aller se présenter à un péril qui ne le cherche pas; mais, ma foi ! le secours a servi, et les deux ont fait fuir les trois.

DOM CARLOS, l’épée à la main: On voit, par la fuite de ces voleurs, de quel secours est votre bras. Souffrez, Monsieur, que je vous rende grâce d’une action si généreuse, et que…

DOM JUAN, revenant l’épée à la main: Je n’ai rien fait, Monsieur, que vous n’eussiez fait en ma place. Notre propre honneur est intéressé dans de pareilles aventures, et l’action de ces coquins était si lâche, que c’eût été y prendre part que de ne s’y pas opposer. Mais par quelle rencontre vous êtes-vous trouvé entre leurs mains ?

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ACTE III, Scène IV

DOM ALONSE, et trois Suivants, DOM CARLOS, DOM JUAN, SGANARELLE.

DOM ALONSE: Faites boire là mes chevaux, et qu’on les amène après nous; je veux un peu marcher à pied. O Ciel ! que vois-je ici ! Quoi ? mon frère, vous voilà avec notre ennemi mortel ?

DOM CARLOS: Notre ennemi mortel ?

DOM JUAN, se reculant de trois pas et mettant fièrement la main sur la garde de son épée: Oui, je suis Dom Juan moi-même, et l’avantage du nombre ne m’obligera pas à vouloir déguiser mon nom.

DOM ALONSE: Ah ! traître, il faut que tu périsses, et…

DOM CARLOS: Ah ! mon frère, arrêtez. Je lui suis redevable de la vie; et sans le secours de son bras, j’aurais été tué par des voleurs que j’ai trouvés.

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ACTE III, Scène V

DOM JUAN, SGANARELLE.

DOM JUAN: Holà, hé, Sganarelle !

SGANARELLE: Plaît-il ?

DOM JUAN: Comment ? coquin, tu fuis quand on m’attaque ?

SGANARELLE: Pardonnez-moi, Monsieur; je viens seulement d’ici près. Je crois que cet habit est purgatif, et que c’est prendre médecine que de le porter.

DOM JUAN: Peste soit l’insolent ! Couvre au moins ta poltronnerie d’un voile plus honnête. Sais-tu bien qui est celui à qui j’ai sauvé la vie ?

SGANARELLE: Moi ? Non.

DOM JUAN: C’est un frère d’Elvire.

SGANARELLE: Un.

DOM JUAN: Il est assez honnête homme, il en a bien usé, et j’ai regret d’avoir démêlé avec lui.

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ACTE IV, Scène première

DOM JUAN, SGANARELLE.

DOM JUAN: Quoi qu’il en soit, laissons cela: c’est une bagatelle, et nous pouvons avoir été trompés par un faux jour, ou surpris de quelque vapeur qui nous ait troublé la vue.

SGANARELLE: Eh ! Monsieur, ne cherchez point à démentir ce que nous avons vu des yeux que voilà. Il n’est rien de plus véritable que ce signe de tête; et je ne doute point que le Ciel, scandalisé de votre vie, n’ait produit ce miracle pour vous convaincre, et pour vous retirer de.

DOM JUAN: Écoute. Si tu m’importunes davantage de tes sottes moralités, si tu me dis encore le moindre mot là-dessus, je vais appeler quelqu’un, demander un nerf de bœuf, te faire tenir par trois ou quatre, et te rouer de mille coups. M’entends-tu bien ?

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ACTE IV, Scène II

DOM JUAN, LA VIOLETTE, SGANARELLE.

LA VIOLETTE: Monsieur, voilà votre marchand, M. Dimanche, qui demande à vous parler.

SGANARELLE: Bon, voilà ce qu’il nous faut, qu’un compliment de créancier ! De quoi s’avise-t-il de nous venir demander de l’argent, et que ne lui disais-tu que Monsieur n’y est pas ?

LA VIOLETTE: Il y a trois quarts d’heure que je lui dis; mais il ne veut pas le croire, et s’est assis là-dedans pour attendre.

SGANARELLE: Qu’il attende, tant qu’il voudra.

DOM JUAN: Non, au contraire, faites-le entrer. C’est une fort mauvaise politique que de se faire celer aux créanciers. Il est bon de les payer de quelque chose, et j’ai le secret de les renvoyer satisfaits sans leur donner un double.

ACTE IV, Scène II

Dom Juan ou le Festin de pierre écrit par Molière sous la protection de Louis XIV

La pièce de Théâtre Dom Juan ou le Festin de pierre par Molière

ACTE IV, Scène III

DOM JUAN, M. DIMANCHE, SGANARELLE, Suite.

DOM JUAN, FAISANT DE GRANDES CIVILITES: Ah ! Monsieur Dimanche, approchez. Que je suis ravi de vous voir, et que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer d’abord ! J’avais donné ordre qu’on ne me fît parler personne; mais cet ordre n’est pas pour vous, et vous êtes en droit de ne trouver jamais de porte fermée chez moi.

M. DIMANCHE: Monsieur, je vous suis fort obligé.

DOM JUAN, parlant à ses laquais: Parbleu ! coquins, je vous apprendrai à laisser M. Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connaître les gens.

M. DIMANCHE: Monsieur, cela n’est rien.

DOM JUAN: Comment ? vous dire que je n’y suis pas, à M. Dimanche, au meilleur de mes amis ?

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ACTE IV, Scène IV

DOM LOUIS, DOM JUAN, LA VIOLETTE, SGANARELLE.

LA VIOLETTE: Monsieur, voilà Monsieur votre père.

DOM JUAN: Ah ! me voici bien: il me fallait cette visite pour me faire enrager.

DOM LOUIS: Je vois bien que je vous embarrasse, et que vous vous passeriez fort aisément de ma venue. à dire vrai, nous nous incommodons étrangement l’un et l’autre; et si vous êtes las de me voir, je suis bien las aussi de vos déportements. Hélas ! que nous savons peu ce que nous faisons quand nous ne laissons pas au Ciel le soin des choses qu’il nous faut, quand nous voulons être plus avisés que lui, et que nous venons à l’importuner par nos souhaits aveugles et nos demandes inconsidérées ! J’ai souhaité un fils avec des ardeurs nonpareilles; je l’ai demandé sans relâche avec des transports incroyables; et ce fils, que j’obtiens en fatiguant le Ciel de vœux, est le chagrin et le supplice de cette vie même dont je croyais qu’il devait être la joie et la consolation. De quel œil, à votre avis, pensez-vous que je puisse voir cet amas d’actions indignes, dont on a peine, aux yeux du monde, d’adoucir le mauvais visage, cette suite continuelle de méchantes affaires, qui nous réduisent, à toutes heures, à lasser les bontés du Souverain, et qui ont épuisé auprès de lui le mérite de mes

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ACTE IV, Scène V

DOM JUAN, SGANARELLE.

DOM JUAN: Eh ! mourez le plus tôt que vous pourrez, c’est le mieux que vous puissiez faire. Il faut que chacun ait son tour, et j’enrage de voir des pères qui vivent autant que leurs fils.

Il se met dans son fauteuil.

SGANARELLE: Ah ! Monsieur, vous avez tort.

DOM JUAN: J’ai tort ?

SGANARELLE: Monsieur.

DOM JUAN se lève de son siège: J’ai tort ?

SGANARELLE: Oui, Monsieur, vous avez tort d’avoir souffert ce qu’il vous a dit, et vous le deviez mettre dehors par les épaules. A-t-on jamais rien vu de plus impertinent ? Un père venir faire des remontrances à son fils, et lui dire de corriger ses actions, de se ressouvenir de sa naissance, de mener une vie d’honnête homme, et cent autres sottises de pareille nature ! Cela se peut-il souffrir à un homme comme vous, qui savez comme il faut vivre ? J’admire votre patience; et si j’avais été en votre place, je l’aurais envoyé promener. O complaisance maudite ! à quoi me réduis-tu ?

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ACTE IV, Scène VI

DOM JUAN, DONE ELVIRE, RAGOTIN, SGANARELLE.

RAGOTIN: Monsieur, voici une dame voilée qui vient vous parler.

DOM JUAN: Que pourrait-ce être ?

SGANARELLE: Il faut voir.

DONE ELVIRE: Ne soyez point surpris, Dom Juan, de me voir à cette heure et dans cet équipage. C’est un motif pressant qui m’oblige à cette visite, et ce que j’ai à vous dire ne veut point du tout de retardement. Je ne viens point ici pleine de ce courroux que j’ai tantôt fait éclater, et vous me voyez bien changée de ce que j’étais ce matin. Ce n’est plus cette Done Elvire qui faisait des vœux contre vous, et dont l’âme irritée ne jetait que menaces et ne respirait que vengeance. Le Ciel a banni de mon âme toutes ces indignes ardeurs que je sentais pour vous, tous ces transports tumultueux d’un attachement criminel, tous ces honteux emportements d’un amour terrestre et grossier; et il n’a laissé dans mon cœur pour vous qu’une flamme épurée de tout le commerce des sens, une tendresse toute sainte, un amour détaché de tout, qui n’agit point pour soi, et ne se met en peine que de votre intérêt.

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